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publiée 09.2020

Principe optionnel de substance (art. 29 (3) LRCS): portée de l’option, modalités d’application et implications sur l’information en annexe ainsi que sur la détermination des réserves distribuables


Contexte

Le modèle comptable luxembourgeois consiste traditionnellement en un modèle comptable patrimonial. Ce principe de patrimonialité implique généralement que la qualification comptable d’une opération suit l’analyse juridique de celle-ci conformément à l’adage « la comptabilité, algèbre du droit »1. Suivant ce modèle, les actifs sont généralement inscrits au bilan lorsque l’entreprise en est juridiquement propriétaire et les instruments de financement sont généralement qualifiés de capitaux propres ou de dettes suivant leur analyse juridique. De même, les charges et les produits sont généralement présentés au compte de profits et pertes suivant leur nature juridique. Par ailleurs, le principe du nominalisme monétaire2 constitue la norme générale.

De tout temps, ce modèle comptable patrimonial a connu des exceptions, du fait notamment des limitations inhérentes à ce modèle ainsi que de l’objectif d’image fidèle associé à la représentation comptable3.

Sous l’effet de l’harmonisation comptable européenne et de la convergence des directives comptables avec les normes comptables internationales IFRS4, le principe optionnel de substance a été explicitement introduit en droit comptable luxembourgeois des entreprises (DCL) par les lois du 10 décembre 20105 et du 30 juillet 20136. Suivant cette perspective de prééminence de la substance sur la forme, les transactions et autres évènements et conditions sont comptabilisés et présentés en fonction de leur substance économico-financière et non pas seulement en fonction de leur forme juridique, ceci afin de rehausser la pertinence et la fiabilité de l’information comptable.

Cependant, à la différence du référentiel IFRS qui s’articule autour :

  • d’un cadre conceptuel posant le principe d’une représentation de la substance des phénomènes économiques au sein des rapports financiers et
  • de normes explicitant par type de contrats, de transactions ou d’instruments les modèles de représentation à retenir par l’entreprise ou par le groupe (p.ex. : IAS 32 « Instruments financiers : présentation », IFRS 16 « Contrats de location »)

    l’approche retenue par la directive comptable 2013/34/UE7 ainsi que par le droit comptable luxembourgeois des entreprises se fonde sur la formulation d’un principe générique qu’il revient aux entreprises de mettre en œuvre et d’opérationnaliser par catégorie de transactions et de contrats.

Dans ce contexte, il apparaît que les entreprises luxembourgeoises – dont une grande majorité sont des petites entreprises voire des micro-entreprises au regard des critères fixés par le droit européen – n’exercent généralement pas l’option « substance » telle que posée à l’article 29 para. 3 LRCS.

Néanmoins, pour les entreprises luxembourgeoises souhaitant se prévaloir de l’option « substance » de l’article 29 para. 3 LRCS, plusieurs problématiques à caractère interprétatif se posent et revêtent une importance primordiale tant au regard de l’impératif de sécurité juridique pour les entreprises préparatrices et leurs responsables légaux que de l’objectif de protection des tiers-utilisateurs par l’information comptable.

A cet égard, force est de relever qu’une jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt CJUE du 23 avril 2020 dans l’affaire C-640/18)8 est venue fournir un éclairage utile quant au possible recours, par les Etats membres ou directement par les entreprises9, à une analyse des opérations et des contrats, fondée sur la « substance » au-delà de la « forme », comme vecteur de l’image fidèle, objectif supérieur du droit comptable européen.

Questions

Depuis l’introduction du principe optionnel de « substance » en droit comptable luxembourgeois des entreprises, plusieurs questions se posent quant à l’interprétation à donner à cette notion parmi lesquelles figurent les points suivants :

  • La portée de l’option substance (point 1) ;
  • Les modalités d’application de l’option substance (point 2) ;
  • Les implications en matière d’information à fournir en annexe (point 3) ;
  • Les incidences potentielles sur la détermination des réserves distribuables (point 4) ;
  • Portée doctrinale, première application et transition (point 5).

Réponses

La portée de l’option substance

La CNC est d’avis que la notion de substance en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV constitue – lorsque l’entreprise exerce l’option visée à l’article 29 para. 3 LRCS – un principe général de l’information financière affectant l’information comptable dans l’ensemble de ses dimensions, à savoir : la comptabilisation, l’évaluation initiale et ultérieure, la présentation et l’information à fournir en annexe (cf. : point 1.1.). Afin de clarifier cette portée de la notion de substance et de favoriser l’émergence d’interprétations harmonisées, la CNC envisage de proposer une reformulation du principe optionnel de substance dans le cadre des travaux portant sur la refonte du droit comptable luxembourgeois ou DCL (cf. : point 1.2.).

Un principe général de l’information financière revêtant un caractère optionnel

La directive 2013/34/UE confère à la notion de substance le statut de principe général de l’information financière au même titre que les principes de continuité d’exploitation, de permanence des méthodes, de prudence, de comptabilité d’engagement, de non-compensation, d’importance relative et d’évaluation suivant le prix d’achat ou le coût de revient.

Si ces principes généraux peuvent connaître des exceptions, ils présentent pour caractéristiques communes leur portée générale affectant l’information comptable dans ses différentes dimensions que sont la comptabilisation, l’évaluation initiale et ultérieure, la présentation au sein du bilan et du compte de profits et pertes et l’information à fournir en annexe.

Dans ce contexte, la CNC est d’avis qu’il ne doit pas être donné – en régimes « LUX GAAP » et « LUX GAAP-JV » – une interprétation indûment restrictive à la portée du principe optionnel de substance dont la formulation se cantonne certes à la présentation et à la comptabilisation au sein de la directive comptable 2013/34/UE10 voire à la seule présentation au sein du droit comptable luxembourgeois11 mais qui en substance revêt bien une portée générale lorsque l’entreprise exerce l’option.

Les travaux préparatoires aux niveaux européen et luxembourgeois indiquent en effet clairement que l’objectif poursuivi par les législateurs européen et national consistait notamment en une convergence vers les normes IFRS.

Ainsi, les travaux préparatoires relatifs à la directive 2003/51/CE dite de « modernisation comptable » ayant explicitement introduit la notion de substance en droit comptable européen précisent que « les IAS recommandent que certains contrats et transactions soient inscrits au compte de profits et pertes ou au bilan sous des postes qui en expriment la substance, et non pas la forme juridique. Le paragraphe 2 habilite expressément les Etats membres à permettre ou à exiger qu’en déterminant le poste sous lequel un montant doit être inscrit, la substance soit prise en compte autant que la forme »12. Les travaux préparatoires relatifs à la directive comptable 2013/34/UE et les considérants de celle-ci confirment l’approche antérieure en précisant que « la présentation des postes dans les états financiers devrait tenir compte de la réalité économique ou de la substance commercial de la transaction ou du contrat sous-jacent »13/14.

Cette même approche est reprise au niveau luxembourgeois où les documents parlementaires relatifs au projet de loi 6376 précisent que « après l’entrée en vigueur de la présente modification législative, les entreprises pourront donc se référer volontairement à la notion de substance par type de transactions ou de contrats et pourront – par exemple – faire référence à l’approche retenue par les normes IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne »15.

Or, il apparaît clairement qu’une représentation d’une transaction ou d’un contrat conforme à la notion de substance ne saurait concerner la seule classification du montant de ladite transaction ou dudit contrat sous un poste ou une rubrique du bilan ou du compte de profits et pertes mais concerne bien l’ensemble des dimensions de l’information comptable, à savoir la comptabilisation, l’évaluation initiale et ultérieure, la présentation et l’information à fournir en annexe. A titre illustratif, le cas de la présentation des contrats de location suivant leur substance, affecte non seulement la présentation de la charge de loyer au compte de profits et pertes mais également la comptabilisation (p.ex. : enregistrement à l’actif du droit d’utilisation des biens loués et au passif de l’obligation locative) et l’évaluation initiale et ultérieure desdits actifs et passifs (p.ex. : actualisation des paiements à effectuer sur la durée de la location, amortissement du droit d’utilisation, etc.) ainsi que la fourniture d’une information en annexe (cf. : voir point 1.2. ci-dessous).

Orientations envisagées par la CNC dans le cadre de la refonte du DCL

Sans préjuger de l’issue de la procédure législative, la CNC s’est interrogée – dans le cadre de ses travaux relatifs à la refonte du DCL16 – sur l’utilité d’une reformulation de l’article 29 para. 3 LRCS visant à clarifier la portée du principe optionnel de substance.

Après réflexion et examen, la CNC envisage – dans le cadre de la refonte du DCL – de proposer une reformulation du principe optionnel de substance privilégiant un meilleur alignement tant vis-à-vis de la directive comptable 2013/34/UE que vis-à-vis du référentiel IFRS ainsi qu’une plus grande sécurité juridique pour les parties intéressées (préparateurs, auditeurs, utilisateurs).

Une telle reformulation pourrait ainsi avoir la teneur suivante :

« Les postes du compte de résultat et du bilan peuvent faire l’objet d’une comptabilisation, d’une évaluation et d’une présentation en se référant à la substance de la transaction ou du contrat concerné. En pareil cas, les informations complémentaires nécessaires pour respecter l’exigence d’image fidèle sont fournies dans l’annexe ».

A noter que le principe optionnel de substance consiste en une analyse globale d’une catégorie de transactions ou de contrats faisant prévaloir une perspective économico-financière sur une perspective juridico-formelle. Ce principe optionnel de substance ne constitue pas une méthode d’évaluation des actifs et des passifs et le recours à celui-ci ne saurait justifier – à lui seul – l’application d’un modèle d’évaluation alternatif au principe d’évaluation au prix d’achat ou au coût de revient (art. 52 LRCS). En l’état actuel des textes, il est relevé que seuls sont éligibles à une évaluation suivant le modèle de la juste valeur les actifs visés au sein de la section 7bis du chapitre II du titre II LRCS17. Il est également rappelé qu’en l’état actuel du DCL, le modèle de la réévaluation en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV pour l’évaluation des immobilisations corporelles et incorporelles est indisponible18 contrairement à l’option existante en application du régime IFRS – UE.

Les modalités d’application de l’option substance

La CNC est d’avis qu’en l’absence de solution formulée par les législateurs européen et luxembourgeois, une entreprise luxembourgeoise exerçant l’option substance doit nécessairement se référer à un cadre national, de l’Union européenne ou international existant (cf. : point 2.1.). Par ailleurs, si l’option substance peut être exercée de façon non généralisée, celle-ci doit cibler au minimum l’ensemble d’une catégorie de transactions ou de contrats afin d’éviter un recours sélectif voire abusif au principe optionnel de substance (cf. : point 2.2.). Enfin, le principe de permanence des méthodes trouve à s’appliquer de telle sorte qu’une entreprise exerçant l’option substance pour une catégorie de transactions ou de contrats se trouve durablement engagée par son choix de politique comptable (cf. : point 2.3.).

La nécessité d’une référence à un cadre national, de l’Union européenne ou international existant

Force est de relever que la directive comptable 2013/34/UE n’a pas procédé à une explicitation de la notion de substance par catégorie de transactions ou de contrats qui soit susceptible d’assurer l’émergence d’une interprétation homogène.

Dans ce contexte, il est loisible aux Etats membres de formuler des cadres comptables par catégories de transactions ou de contrats applicables aux entreprises relevant de leur juridiction.

Au Luxembourg, conformément à une certaine tradition en matière de transposition de directives, le choix a été fait – jusqu’à présent – de ne pas formuler de tels cadres. Il importe cependant de ne pas interpréter erronément ce silence des textes. Ainsi, l’absence d’explicitation d’un cadre ne saurait permettre aux préparateurs des comptes d’inventer de toute pièce un traitement comptable reflétant la substance d’une transaction ou d’un contrat. Il s’agit en effet de conserver à l’esprit que les obligations de dépôt et de publicité comptable auxquelles sont soumises les entreprises visent à fournir une information pertinente aux tiers-utilisateurs notamment en vue d’assurer la protection de ces derniers. Or, la formulation par l’entreprise d’un traitement comptable discrétionnaire voire arbitraire risquerait de nuire aux objectifs d’information et de protection voulus par le législateur.

Compte tenu de ce qui précède, la CNC est d’avis qu’une entreprise souhaitant exercer l’option substance pour une catégorie de transactions ou de contrats doit nécessairement faire référence à un cadre comptable existant. Or, en l’absence de cadres comptables explicitement prévus en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV, la CNC considère qu’il revient à l’entreprise de s’appuyer sur un cadre national, de l’Union européenne ou international fondé sur la notion de substance pour la catégorie de transactions ou de contrats concernée.

A cet égard et comme déjà indiqué au sein des travaux préparatoires19, la référence à l’approche fondée sur la « substance » retenue par les normes IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne constitue assurément la solution la plus naturelle sur laquelle les entreprises sont encouragées à s’appuyer. Néanmoins, en l’état actuel des textes et considérant que d’autres cadres nationaux ou internationaux reconnus préconisant un traitement fondé sur la « substance »20 coexistent actuellement, la CNC est d’avis que le seul recours au modèle retenu par les normes IFRS ne peut pas être imposé à ce stade.

Quel que soit le cadre national, de l’Union européenne ou international retenu, il importe en revanche que l’entreprise s’appuyant sur celui-ci pour refléter la substance d’une catégorie de transactions ou de contrats, fasse mention explicite dudit cadre dans l’annexe de ses comptes annuels et qu’elle applique ledit cadre à la catégorie de transactions ou de contrats concernés de façon complète et fidèle.

L’exercice de l’option substance : une portée ciblée ou généralisée ?

A l’image d’autres dispositions optionnelles, se pose la question de la portée ciblée ou généralisée de l’option substance lorsque celle-ci est exercée par l’entreprise.

A cet égard, la CNC est d’avis qu’en l’état actuel du droit comptable européen et luxembourgeois, l’option substance a une portée essentiellement ciblée. Si l’option substance ne doit pas nécessairement porter sur l’ensemble des transactions et contrats de l’entreprise, celle-ci doit cependant être appliquée à l’ensemble d’une catégorie de transactions ou de contrats afin d’éviter un recours sélectif voire abusif.

Une catégorie de transactions ou de contrats est un regroupement d’éléments de nature ou de fonction similaires. A titre illustratif, les contrats de location constituent une catégorie de contrats devant dès lors faire l’objet d’un traitement cohérent et homogène au sein des comptes de l’entreprise.

L’exigence en matière de permanence des méthodes

Si le principe général de substance constitue un principe optionnel en droit comptable luxembourgeois, l’exercice de cette option pour une catégorie donnée de transactions ou de contrats engage durablement l’entreprise en application du principe de permanence des méthodes.

L’article 51 para. 1er point b) LRCS dispose ainsi que « les méthodes comptables et les modes d’évaluation ne peuvent pas être modifiés d’un exercice à l’autre ».

Si des modifications des méthodes comptables peuvent être admises dans des cas exceptionnels, celles-ci doivent être mentionnées dans l’annexe et dûment motivées, avec une indication de leur incidence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entreprise (art. 51 para. 2 LRCS).

Les implications en matière d’information à fournir en annexe

La CNC est d’avis qu’en application du principe d’image fidèle (art. 26 (3), (4) et (5) LRCS), une entreprise exerçant l’option substance doit faire mention en annexe des méthodes comptables appliquées à la catégorie de transactions ou de contrats en faisant référence au cadre national, de l’Union européenne ou international sur lequel elle s’est appuyée (point 3.1.) et en fournissant en annexe l’information requise par ledit cadre pour la catégorie de transactions ou de contrats visés (cf. : point 3.2.). Cette obligation s’applique à toutes les catégories d’entreprises quelle que soit leur taille (cf. : point 3.3.).

La mention en annexe des méthodes comptables et des modes d’évaluation

Conformément à l’article 65 para. 1er point 1° LRCS, les entreprises ont l’obligation de faire mention en annexe des méthodes comptables et des modes d’évaluation appliqués aux divers postes de bilan et de compte de profits et pertes.

Dans ce contexte et conformément au point 2.1., il est attendu des entreprises exerçant l’option « substance » pour une ou plusieurs catégories de transactions ou de contrats qu’elles indiquent le cadre national, de l’Union européenne ou international sur lequel elles se sont appuyées et qu’elles présentent de façon synthétique les caractéristiques principales de la méthode comptable retenue. A défaut d’une telle information, l’objectif de protection des tiers-utilisateurs par l’information comptable – tel que voulu par le législateur – ne saurait être raisonnablement atteint.

Le contenu de l’information à fournir en annexe dicté par le cadre de référence

Au-delà de la spécification des méthodes comptables et du cadre de référence visés au point 3.1., la question se pose quant au contenu de l’information à fournir en annexe venant compléter ou détailler l’information présentée au bilan et au compte de profits et pertes.

A cet égard et conformément au point 2.1., la CNC est d’avis que le contenu de l’information à fournir en annexe par l’entreprise doit être celui dicté par le cadre de référence national, de l’Union européenne ou international sur lequel celle-ci a fait le choix de s’appuyer.

Ainsi, si l’entreprise s’appuie sur le référentiel IFRS pour la représentation d’une catégorie de transactions ou de contrats fondée sur la substance, c’est alors sur base de la norme IFRS appliquée qu’il y aura lieu de déterminer le contenu de l’information à fournir en annexe. Une entreprise faisant référence à un autre cadre national ou international, devrait se référer audit cadre afin de déterminer le contenu de l’information à fournir en annexe.

L’objectif consiste ainsi à favoriser – pour la ou les catégories de transactions ou de contrats concernés – une application fidèle et complète du cadre de référence choisi et ce dans ses différentes dimensions comptables y inclus en matière d’informations à fournir en annexe. Il s’agit ici de concilier l’objectif de flexibilité pour les entreprises préparatrices avec l’objectif de protection pour les tiers-utilisateurs.

Contenu de l’annexe : absence de simplification pour les petites entreprises

A l’image du droit comptable européen, le droit comptable luxembourgeois prévoit un contenu simplifié pour l’établissement de l’annexe des petites entreprises au sens de l’article 35 LRCS. L’idée d’une simplification trouve sa justification dans les ressources administratives limitées des petites entreprises, la faible complexité de leurs opérations et traitements comptables et le faible nombre de tiers-utilisateurs intéressés à leur information comptable.

A noter que les petites entreprises ne sont cependant jamais dispensées de l’obligation de faire mention en annexe de leurs méthodes comptables et des modes d’évaluation appliqués (art. 65 (1) 1° LRCS).

Par ailleurs, il est également relevé que les petites entreprises doivent toujours se conformer au principe d’image fidèle (art. 26 (3) LRCS) et qu’à cette fin des informations complémentaires en annexe doivent être fournies lorsque les dispositions légales ne suffisent pas à atteindre cet objectif (art. 26 (4) et (5) LRCS).

Enfin, il est constaté qu’au Luxembourg, l’application de la notion de « substance » constitue un dispositif optionnel et que le recours à celle-ci est toujours volontaire par analogie à d’autres dispositifs optionnels (p.ex. : option « juste valeur »). Dès lors, une petite entreprise soucieuse de contrôler la charge administrative pesant sur l’établissement à des fins légales de ses comptes annuels pourra faire le choix – comme cela est déjà souvent le cas – de ne pas exercer l’option « substance », plus complexe dans sa mise en œuvre et plus exigeante en termes d’informations en annexe, et de s’en tenir plutôt au modèle patrimonial classique.

Compte tenu de ce qui précède, la CNC est par conséquent d’avis que les petites entreprises exerçant l’option « substance » ne peuvent pas bénéficier de mesures de simplification dans l’établissement de l’annexe aux comptes annuels autres que celles déjà prévues par l’article 66 LRCS.

Les incidences potentielles sur la détermination des réserves distribuables

La CNC considère également qu’il y a lieu de rappeler le principe de prudence et de réalisation des bénéfices (art. 51 para. 1er point c) LRCS) qui constitue le fondement de la détermination des réserves distribuables pour les entreprises soumises au droit comptable commun.

La CNC est d’avis que – indépendamment de l’application de l’article 72ter LRCS relatif à la limitation du montant des réserves distribuables en cas de recours aux normes IFRS ou à la méthode de l’évaluation suivant la juste valeur – des résultats ou réserves générés par un traitement comptable fondé sur la substance dont le montant excèderait significativement celui qui aurait été constaté en application du modèle comptable classique (p.ex. : patrimonialité, prudence, coût historique) devraient nécessairement être neutralisés aux fins de la détermination des réserves distribuables et que – dans le cas contraire – les représentants légaux de l’entreprise concernée s’exposeraient potentiellement aux sanctions pénales visées au titre XV LSC.

Compte tenu de ce qui précède, la CNC invite les entreprises et leurs représentants légaux à la plus grande prudence.

Portée doctrinale, première application et transition

En conclusion, il est rappelé que le présent Q&A a pour objet de fournir aux entreprises luxembourgeoises souhaitant exercer l’option « substance » (art. 29 (3) LRCS) des clarifications utiles quant à la portée de ladite option, ses modalités d’application et ses implications sur l’information en annexe ainsi que sur la détermination des réserves distribuables. A travers cette interprétation dont la portée est essentiellement doctrinale, la CNC fournit son avis quant aux conditions permettant, d’après elle, un recours au principe optionnel de substance qui soit conforme aux principes généraux de l’information financière et fidèle tant à l’objectif de flexibilité pour les entreprises préparatrices qu’à l’objectif de protection des tiers-utilisateurs.

Pour les entreprises qui appliquaient déjà l’option « substance » (art. 29 (3) LRCS) antérieurement à la publication du présent Q&A, la CNC est d’avis que celui-ci ne remet pas en cause la validité – dans les limites permises par la loi – des traitements comptables précédemment retenus par lesdites entreprises pour la ou les catégories de transactions et de contrats concernés. Ces entreprises sont invitées à vérifier la conformité de l’approche retenue et à intégrer désormais les recommandations incluses au sein du présent Q&A.

Le présent Q&A s’applique à tout jeu de comptes annuels ou de comptes consolidés établi suivant les régimes LUX GAAP ou LUX GAAP – JV et portant sur un exercice débutant postérieurement à la date de publication du présent Q&A.

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 « La Comptabilité, algèbre du droit et méthode d’observation des sciences économiques », Pierre Garnier, Dunod, 1947.

2 Suivant le principe de nominalisme, l’unité monétaire est considérée comme une unité de mesure stable dans le temps sans prise en considération des variations de son pouvoir d’achat. En application de ce principe, les unités monétaires de différentes époques peuvent être additionnées. Seule la valeur nominale de la monnaie étant considérée, il n’y a généralement pas lieu de procéder à l’actualisation de sommes dues ou à recevoir même lorsque l’échéance de telles sommes est éloignée et que celles-ci sont non productives d’intérêts. A noter que le principe comptable de nominalisme monétaire qui est ancré dans le code civil (art. 1895) a connu par le passé et connaît aujourd’hui encore des exceptions en droit comptable européen notamment en cas d’application de méthodes comptables alternatives au coût d’acquisition historique (p.ex. : prise en compte l’inflation, modèle de la réévaluation, modèle de la juste valeur, etc.).

3 Depuis la 4ème directive 78/660/CEE et sa transposition en droit luxembourgeois (loi du 4 mai 1984), les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l’entreprise (aujourd’hui art. 26 (3) LRCS). Cet objectif d’image fidèle – bien que non défini – renvoie à l’idée d’une représentation comptable qui traduit la réalité des transactions et des contrats en conformité avec le cadre de présentation retenu.

4 Voy. notamment : Directive 2003/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2003 modifiant les directives 78/660/CEE, 83/349/CEE, 86/635/CEE et 91/674/CEE du Conseil sur les comptes annuels et les comptes consolidés de certaines catégories de sociétés, des banques et autres établissements financiers et des entreprises d’assurance (dite « directive de modernisation comptable »).

5 Loi du 10 décembre 2010 relative à l’introduction des normes comptables internationales pour les entreprises (doc. parl. 5976).

6 Loi du 30 juillet 2013 portant réforme de la Commission des normes comptables (doc. parl. 6376).

7 Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises.

8 Arrêt CJUE du 23 avril 2020 dans l’affaire C-640/18 dans la procédure Wagram Invest SA contre Etat belge (curia.europa.eu).

9 En fonction des choix opérés par les législateurs nationaux dans le cadre de la transposition de la directive comptable 2013/34/UE qui demeure, dans une large mesure et malgré quelques avancées, une directive d’harmonisation minimale à l’image des anciennes 4ème et 7ème directives.

10 Art. 6 para. 1 point h) dir. 2013/34/UE “les postes du compte de résultat et du bilan sont comptabilisés et présentés en se référant à la substance de la transaction ou du contrat concerné ».

11 Art. 29 para. 3 LRCS « la présentation des montants repris sous les postes du compte de profits et pertes et du bilan peut se référer à la substance de la transaction ou du contrat concerné ».

12 COM(2002) 259/2 final du 9.7.2002, p.5 – Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 78/660/CEE, 83/349/CEE et 91/674/CEE du Conseil sur les comptes annuels et les comptes consolidés de certaines catégories de sociétés et des entreprises d’assurance.

13 COM(2011) 684 final du 25.10.2011, considérant 8, p.18 – Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports associés de certaines formes d’entreprises.

14 Dir. 2013/34/UE, considérant 16, 4ème phrase.

15 Doc. parl. 6376-0, commentaires des articles, p. 26 – Projet de loi portant réforme de la Commission des normes comptables et modification de diverses dispositions relatives à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ainsi qu’aux comptes consolidés de certaines formes de sociétés.

16 Pour mémoire, le projet de refonte du droit comptable luxembourgeois a été annoncé au sein du projet de loi n°6718, exposé des motifs, point 2, p. 5 : « Dans une seconde étape – qui fera l’objet d’un projet de loi distinct – il sera procédé à une refonte plus globale du droit comptable luxembourgeois afin d’intégrer notamment la nouvelle structure ascendante proposée par la nouvelle directive (« bottom up ») ainsi que la terminologie modernisée plus en ligne avec la pratique comptable internationale actuelle. Au-delà de cette refonte sur la forme, une réflexion de fond doit également être menée et a déjà été initiée sur diverses thématiques-clés du droit comptable. Il s’agit ainsi de repenser certains des choix effectués en 1984 lors de la transposition initiale de la 4ème directive ou en 2002 lors de la réforme liée à la mise en place d’une centrale des bilans luxembourgeoise. Ces thématiques incluent – par exemple – l’optionalité de certaines dispositions comptables, le périmètre des entreprises soumises à contrôle légal, l’étendue de la simplification pour les plus petites entreprises (p. ex.: microentreprises), l’articulation entre le droit comptable commun et le droit comptable sectoriel ou encore la question de la standardisation de l’information comptable dans une perspective guidée par les besoins des utilisateurs de l’information comptable et dans le respect des contraintes des entreprises préparatrices ».

17 Sans préjudice des dispositions comptables sectorielles applicables à certaines entreprises du secteur financier réglementé qui doivent recourir de façon plus généralisée à la méthode de la juste valeur pour l’évaluation des valeurs dans lesquelles elles ont placé leurs fonds.

18 Cf.: Q&A CNC 14/002 « Réévaluation des immobilisations corporelles » et Q&A CNC 14/003 « Réévaluation des immobilisations incorporelles ».

19 Doc. parl. 6376-0, commentaires des articles, p. 26.

20 A noter qu’au-delà de la référence explicite à la notion de « substance » par lesdits cadres comptables, c’est la formulation par ceux-ci – de façon généralisée ou restreinte à certaines catégories de transactions ou de contrats – de traitements comptables tendant à dissocier et à faire prévaloir une analyse économico-financière sur une analyse juridique, qui constitue le facteur déterminant (p.ex. : analyse des contrats de location, qualification des instruments financiers, nominalisme monétaire et prise en considération de la valeur-temps de l’argent, etc.).