Le présent Q&A s’inscrit à la suite du Q&A CNC 22/026 (R) intitulé « Devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV » et vient traiter le cas spécifique du changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV.
Comme déjà mentionné au sein du Q&A CNC 22/026 (R), ni la directive comptable 2013/34/UE1, ni la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises (LRCS), ni la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (LSC) ne fournissent de lignes directrices quant au choix de la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels et quant à la faculté et aux modalités de changement de celle-ci.
Pour rappel, le Q&A CNC 22/026 (R) conclut ainsi que « [d]ans le silence des textes, il n’est pas imposé aux entreprises de tenir leur comptabilité et d’établir leurs comptes annuels dans une devise spécifique (…) ».
Dans ce contexte, les entreprises luxembourgeoises soumises au droit comptable commun n’ont, pour la tenue de leur comptabilité et l’établissement de leurs comptes annuels, ni l’obligation de recourir à l’euro2 ni l’obligation de recourir à la devise du capital social ni celle de recourir à la devise fonctionnelle3. En d’autres termes, « les entreprises disposent de la faculté de déterminer librement la devise dans laquelle est tenue leur comptabilité et sont présentés leurs comptes annuels (…) » sous réserve toutefois qu’une telle devise soit pleinement convertible et librement utilisable et qu’elle soit émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique (cf. : Q&A CNC 22/026 (R)).
Si ce principe de liberté du choix de la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels lors de la création ou de la constitution de l’entreprise soumise au droit comptable commun est désormais clairement établi (cf. : Q&A CNC 22/026 (R)), se pose à présent la question de la faculté de modifier cette devise en cours de vie sociale et, le cas échéant, des modalités et des implications pratiques d’un tel changement.
Considérant qu’il est dans l’intérêt des parties intéressées à l’information comptable de clarifier cette thématique, le présent Q&A a pour objet de fournir des éléments de réponse à plusieurs questions portant sur le changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV.
Le Q&A CNC 22/026 (R) précité, indique dans son introduction que « le choix de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels se fait généralement lors de la création de l’entreprise, tout changement subséquent devant être exceptionnel et justifié ».
Lorsque l’entreprise se trouve dans une situation exceptionnelle où un changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels apparaît justifié (p.ex. : changement de modèle économique, modifications significatives de la chaîne de valeur impliquant les fournisseurs-clés et/ou les clients-clés, changement d’actionnaires de référence ou entrée de nouveaux investisseurs-clés), celle-ci peut alors légitimement procéder à un tel changement de devise.
A nouveau, le Q&A CNC 22/026 (R) indique que « en l’état actuel des textes, aucune disposition de droit comptable [commun] ne requiert un alignement entre la devise du capital social et la devise de tenue de la comptabilité et d’établissement des comptes annuels. En conséquence, il apparaît loisible aux entreprises de retenir une devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels qui diverge de la devise du capital social ».
La pratique majoritaire au Luxembourg consiste cependant à aligner la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels sur la devise dans laquelle est libellé le capital social. Dans ce contexte, le changement de la devise du capital social — acté par voie d’acte notarié pour la plupart des formes juridiques (p.ex. : SA, S.à r.l.) — entraîne généralement le changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels.
En règle générale, toute mention à laquelle il est fait référence dans les statuts de l’entreprise nécessite une décision de l’assemblée générale des associés ou des actionnaires pour la modifier tandis que — a contrario — toute mention qui ne figure pas dans les statuts de l’entreprise peut être modifiée par une résolution de l’organe d’administration ou de gestion.
Ainsi, la devise du capital social qui figure toujours dans les statuts de l’entreprise relève — pour sa modification — de la compétence exclusive de l’assemblée générale. Inversement, la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels qui ne figure généralement pas dans les statuts de l’entreprise relève — pour sa modification — de la compétence de l’organe d’administration ou de gestion.
A noter qu’un tel changement ne saurait être qu’exceptionnel et justifié (cf. : Q&A CNC 22/026 (R)).
Par ailleurs, s’agissant de la présentation des chiffres comparatifs en cas de changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels, il convient de se référer aux développements figurant aux points 9 et 10.
Pour les entreprises qui lient le changement de devise du capital social avec le changement de devise de tenue de la comptabilité et d’établissement des comptes annuels, la pratique luxembourgeoise consiste à retenir comme date effective dudit changement de devise la date de l’acte notarié par lequel les associés ou actionnaires ont décidé de modifier la devise du capital social (exemple de la SA et de la S.à r.l.), sauf — bien entendu — si l’acte notarié stipule une autre date pour le changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels (p.ex. : à compter du premier jour de l’exercice suivant ou — rétroactivement — au premier jour de l’exercice courant).
Pour ces entreprises, la date de changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels coïncide généralement soit avec la date de tenue de la réunion de l’organe d’administration ou de gestion ou des résolutions écrites des dits organes, soit avec une autre date stipulée dans le procès-verbal ou les résolutions écrites desdits organes (p.ex. : à compter du premier jour de l’exercice suivant ou — rétroactivement — au premier jour de l’exercice courant).
En règle générale, lorsqu’un changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels intervient en cours d’exercice social, la conversion des comptes ne s’accompagne pas d’une clôture légale des comptes annuels établis dans l’ancienne devise et d’une réouverture de ceux-ci dans la nouvelle devise, soit deux exercices courts consécutifs.
À noter que si une entreprise souhaitait procéder de la sorte et compte tenu du fait que la durée et la date de clôture de l’exercice social sont généralement mentionnées dans les statuts, l’entreprise devrait alors également procéder à une modification statutaire en changeant la date de clôture de son exercice social, pour la faire coïncider avec la date du changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels (ancienne devise) puis pour la réaligner avec la date de clôture usuelle (nouvelle devise).
Même si la date de changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels peut être fixée librement — suivant les cas — par l’assemblée générale des associés ou actionnaires ou par l’organe d’administration ou de gestion, il n’en reste pas moins que la fixation de cette date au premier jour de l’exercice suivant ou — rétroactivement — au premier jour de l’exercice courant, facilite grandement la conversion des comptes et la transition entre l’ancienne et la nouvelle devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels.
Dans le silence des textes régissant les régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV quant aux modalités de conversion de la comptabilité et des comptes annuels dans une nouvelle devise, il est recommandé de convertir l’ensemble des postes de bilan et de compte de profits et pertes au taux de change applicable le jour de la conversion tel qu’il résulte de l’acte notarié ou des résolutions de l’organe d’administration ou de gestion.
Si cette méthode peut apparaître conceptuellement critiquable (p.ex. : absence au bilan de prise en compte des éléments monétaires vs non monétaires ou des éléments à court terme vs à long terme, absence de conversion du compte de profits et pertes au cours du jour des transactions ou — par simplification — au cours moyen), elle présente néanmoins l’avantage non négligeable de ne pas générer d’écart de conversion dont la signification économique est généralement limitée.
Pour mémoire, les écarts de conversion sont générés par le recours à plusieurs taux distincts suivant les postes de bilan et de compte de profits et pertes concernés (p.ex. : cours de clôture pour la conversion des éléments monétaires du bilan, cours historique pour la conversion des éléments non monétaires du bilan, cours moyen pour les charges et les produits du compte de profits et pertes).
A noter que si l’entreprise décide d’appliquer — lors de la conversion de sa comptabilité et de ses comptes annuels dans une nouvelle devise — une méthode autre que celle recommandée au sein du présent point, il y a alors lieu de l’appliquer de manière cohérente et de faire mention de ladite méthode de conversion au sein de l’annexe des comptes annuels (cf. : point 10).
S’agissant des chiffres comparatifs relatifs à l’exercice précédent, il y a lieu de distinguer deux types d’entreprises, à savoir celles qui sont soumises à la collecte d’information standardisée sur la plateforme eCDF et celles qui n’y sont pas soumises et qui bénéficient dès lors de plus de flexibilité au niveau de la présentation de leur bilan et de leur compte de profits et pertes.
Concernant les entreprises soumises à la collecte d’information standardisée sur la plateforme eCDF, celles-ci n’auront pas d’autre choix que de présenter au bilan et au compte de profits et pertes les chiffres comparatifs dans la même devise que les chiffres relatifs à l’exercice courant, à savoir dans la nouvelle devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels. Pour ce faire, il est recommandé de convertir les chiffres de l’exercice précédent en utilisant le même taux que celui appliqué aux chiffres de l’exercice courant, à savoir le taux en vigueur le jour de la conversion (cf. : taux du jour de l’assemblée générale tenue devant notaire, taux du jour des résolutions de l’organe d’administration ou de gestion ou taux du jour de prise d’effet de la décision6).
Dans l’annexe des comptes annuels de l’exercice courant, il conviendra d’informer les tiers-utilisateurs du taux utilisé pour convertir les chiffres comparatifs et de rappeler que lesdits montants avaient été présentés dans l’ancienne devise dans les comptes annuels de l’exercice précédent. A cet égard, il est recommandé de présenter en annexe un tableau à trois colonnes avec aux côtés des chiffres de l’exercice courant et de l’exercice précédent présentés dans la nouvelle devise, les chiffres comparatifs de l’exercice précédent présentés dans l’ancienne devise tels que ceux-ci avaient été publiés dans les comptes annuels de l’exercice précédent.
Quant aux entreprises qui ne sont pas soumises à la collecte d’information standardisée sur la plateforme eCDF, il est recommandé – en application du principe d’intangibilité du bilan d’ouverture (art. 51, para. 1er, point f) LRCS) – de présenter le bilan et le compte de profits et pertes dans deux devises distinctes : l’ancienne devise pour les chiffres comparatifs de l’exercice précédent et la nouvelle devise pour les chiffres de l’exercice courant. Par ailleurs, il est conseillé de présenter en annexe un tableau à trois colonnes avec aux côtés des chiffres de l’exercice courant présentés dans la nouvelle de devise et les chiffres de l’exercice précédent présentés dans l’ancienne devise, les chiffres comparatifs de l’exercice précédent présentés dans la nouvelle devise.
Considérant le caractère significatif d’un changement de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels, il importe de fournir en annexe une information pertinente contribuant à l’objectif d’image fidèle.
Ainsi, la CNC est d’avis que l’annexe des comptes annuels de l’entreprise doit inclure au minimum :
Avertissement
Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :
Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.
1 Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil.
2 Même si le recours à l’euro comme devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels n’est pas requis, il est à noter que 90% des entreprises luxembourgeoises déposant des données financières au registre de commerce et des sociétés (RCS) présentent des comptes annuels établis en euros.
Source : Analyses 4/2020. La Centrale des bilans : un état des lieux décennal, Institut national de la statistique et des études économiques (STATEC), p.14.
3 La norme comptable internationale IAS 21 telle qu’adoptée par l’Union européenne définit la devise fonctionnelle comme suit : « La monnaie fonctionnelle est la monnaie de l’environnement économique principal dans lequel l’entité exerce ses activités ».
4 Cf. : Q&A CNC 21/024 (R) intitulé « Changement de méthodes comptables, de modes d’évaluation et d’estimations comptables en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV ».
5 A noter que dans le cas où les statuts contiendraient une référence à la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels, la modification de celle-ci relèverait alors de la compétence de l’assemblée générale au même titre que le changement de devise du capital social.
6 Par exemple, à compter du premier jour de l’exercice suivant ou – rétroactivement – à compter du premier jour de l’exercice courant (cf. : points 4 et 5).