L’article 30 de la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises (la loi modifiée de 2002) dispose que les sociétés d’investissement établissent leurs comptes annuels en dérogeant sur certains points au droit comptable général prévu par la loi modifiée de 2002.
Les sociétés d’investissement y sont définies comme « (…) les sociétés dont l’objet unique est de placer leurs fonds en valeurs mobilières variées, en valeurs immobilières variées et en d’autres valeurs dans le seul but de répartir les risques d’investissement et de faire bénéficier leurs actionnaires ou associés des résultats de la gestion de leurs avoirs »1.
Alors que cette définition de la notion de société d’investissement ne fait pas référence à un statut réglementaire spécifique, il est relevé que l’article 30 de la loi modifiée de 2002 – en posant le principe d’une dérogation aux schémas de bilan et de compte de profits et pertes tels que prévus aux articles 34 et 46 de la loi modifiée de 2002 – effectue un renvoi direct vers les dispositions et schémas comptables sectoriels applicables aux organismes de placement collectif (OPC)2 ainsi qu’aux fonds d’investissement spécialisés (FIS)3.
Dans ce contexte, se pose la question du champ d’application de la notion comptable de société d’investissement visée à l’article 30 de la loi modifiée de 2002 et – plus spécifiquement – de savoir si cette notion ne recouvre que les seules sociétés d’investissement réglementées auxquelles renvoie cet article (OPC visés par la loi modifiée du 17 décembre 2010 et FIS visés par la loi modifiée du 13 février 2007) ou si cette notion comptable peut également inclure d’autres véhicules d’investissement réglementés (p.ex. : SICAR) ou non réglementés tels que des fonds d’investissement alternatifs (FIA)4.
La Commission des normes comptables relève en premier lieu que lors de la récente modification de l’article 30 de la loi modifiée de 2002 par la loi du 30 juillet 20135, l’amendement dudit article6 a été justifié comme suit par le législateur :
« Il est proposé d’amender l’article 30 afin de préciser que les sociétés d’investissement – qui sont, au sens du droit comptable luxembourgeois, les OPCVM Partie I et les OPC Partie II organisés sous forme sociétaire régis par la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif ainsi que les fonds d’investissement spécialisés organisés sous forme sociétaire et régis par la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés – ont la faculté d’établir leurs comptes annuels suivant les dispositions sectorielles spécifiques qui s’appliquent à elles et ce afin d’éviter une duplication coûteuse de leur information comptable et qui consisterait à déconnecter, d’une part, les comptes annuels établis en application du droit comptable général et, d’autre part, le rapport annuel établi en application du droit comptable sectoriel ».
Il ressort des éléments qui précèdent que le régime dérogatoire prévu par l’article 30 de la loi modifiée de 2002 ne trouve à s’appliquer qu’aux seules sociétés d’investissement régies par des dispositions comptables sectorielles et pour lesquelles il existe des schémas comptables sectoriels spécifiques.
Par conséquent et eu égard aux commentaires qui précèdent, la Commission des normes comptables est d’avis qu’il convient de donner – en l’état actuel du droit comptable – une interprétation restrictive à la notion comptable de société d’investissement telle que visée à l’article 30 de la loi modifiée de 2002 en la limitant aux seules sociétés d’investissement du secteur réglementé, à savoir :
Il découle de ce qui précède que les autres véhicules d’investissement sont exclus du bénéfice de l’article 30 de la loi modifiée de 2002, n’étant pas – au regard du droit comptable – des sociétés d’investissement et ce sans préjudice de la qualification de ces véhicules au regard d’autres disciplines. Dès lors et sauf à obtenir une dérogation individuelle en application de l’article 27 de la loi modifiée de 20027, les autres véhicules d’investissement tombent en règle générale dans le champ d’application du droit comptable commun8 et doivent – sauf exception9 – établir leur bilan, leur compte de profits et pertes et leur solde des comptes repris au plan comptable normalisé sur base des fichiers standardisés mis à disposition sur la plate-forme eCDF10.
Sans préjudice de ce qui précède, la Commission des normes comptables relève que l’opportunité d’introduire des schémas standardisés eCDF adaptés à la nature particulière des activités d’entreprises faisant partie d’un secteur économique déterminé, pourra faire l’objet – le cas échéant – de réflexions et d’initiatives. Dans cette attente, les entreprises soumises au dépôt de leur liasse comptable en transitant par la plate-forme eCDF utilisent les schémas standardisés mis à disposition.
Avertissement
Les avis et recommandations publiés par la Commission des normes comptables (CNC) :
Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent avis ou de la présente recommandation.
1 Article 30, paragraphe (1), 2ème alinéa de la loi modifiée du 19 décembre 2002
2 Article 151 (3) et (5) de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif
3 Article 52, paragraphe (4) de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés
4 La loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs définit à l’article 1er, point (39), les fonds d’investissement alternatifs comme suit :
« des organismes de placement collectif, y compris leurs compartiments d’investissement, qui: a) lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs; et b) ne sont pas soumis à agrément au titre de l’article 5 de la directive 2009/65/CE; »
5 Loi du 30 juillet 2013 portant réforme de la Commission des normes comptables et modification de diverses dispositions relatives à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ainsi qu’aux comptes consolidés de certaines formes de sociétés, Mém. A – N° 177 du 2 octobre 2013.
6 Doc. parl. 63767, Projet de loi portant réforme de la Commission des normes comptables et modification de diverses dispositions relatives à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ainsi qu’aux comptes consolidés de certaines formes de sociétés, Amendements adoptés par la Commission juridique, Amendement 2 concernant le point 5, p.2
7 En application de l’article 27, 1er alinéa, de la loi modifiée de 2002, le ministre de la Justice peut accorder, dans des cas spéciaux et moyennant l’avis motivé de la Commission des normes comptables des dérogations aux règles arrêtées en vertu des chapitres II et IV du titre II de la loi modifiée de 2002 pour autant que ces dérogations demeurent conformes aux directives comptables européennes lorsque celles-ci trouvent à s’appliquer.
8 L’application du droit comptable commun implique – sauf exception – le recours aux schémas de bilan et de compte de profits et pertes tels que prévus aux articles 34 et 46 de la loi modifiée de 2002.
9 Citons parmi les exceptions le cas :
• des entreprises soumises à la surveillance prudentielle de la CSSF qui sont (à l’exception des PSF de support) exclues du champ d’application du Plan comptable normalisé (art. 13, 5ème alinéa, C.Com.) et qui ne sont donc pas soumises à l’obligation de déposer leur liasse comptable en passant par la plate-forme eCDF (art. 2 RGD du 14 décembre 2011) ;
• des véhicules d’investissement non réglementés qui choisissent de recourir aux normes comptables IFRS en application de l’article 72bis de la loi modifiée de 2002 ;
• des sociétés en commandite spéciales (SCSp) qui sont dispensées du PCN (art. 13, 1ère alinéa, C.Com.) et de l’établissement de comptes annuels suivant le chapitre II du titre II de la loi modifiée de 2002.
10 En application de l’article 4 du Règlement grand-ducal du 14 décembre 2011 déterminant la procédure de dépôt de la liasse comptable auprès du gestionnaire du registre de commerce et des sociétés.