Conformément à la directive comptable1, les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV2 posent comme règle générale, l’obligation d’établissement de comptes consolidés par toute entreprise mère contrôlant – au minimum – une entreprise filiale.
L’entrée en vigueur – à compter des exercices 2014 – des amendements dits « Entités d’investissement »3 à la norme IFRS 10 « Etats financiers consolidés » a cependant modifié le paradigme comptable applicable aux entités d’investissement4 au sens du paragraphe 27 de la norme IFRS 10. Le paragraphe 31 de la norme IFRS 10 dispose ainsi que les entités d’investissement ne peuvent plus consolider leurs entreprises filiales (sauf celles qui – suivant le paragraphe 32 – fournissent des services liés aux activités d’investissement de l’entité d’investissement) mais doivent évaluer leurs participations dans des entreprises filiales à la juste valeur par le biais du résultat net conformément à IFRS 9.
Cette transition – pour les entités d’investissement – d’un régime d’obligation à un régime d’interdiction5 de consolidation suscite plusieurs incertitudes quant aux effets de l’incompatibilité apparente entre le régime IFRS – UE et les régimes issus de la directive comptable 2013/34/UE.
Une entreprise mère de droit luxembourgeois qui répond à la définition d’« entité d’investissement » au sens du paragraphe 27 de la norme IFRS 10 et qui applique le régime IFRS – UE – soit par obligation (art. 4 du règlement IAS) soit par option (art. 5 point b) du règlement IAS et art. 341bis LSC) – satisfait-elle aux obligations prévues par la directive comptable 2013/34/UE et par la section XVI LSC ?
Les services de la Commission européenne ont été alertés dès 2013 de l’existence d’une problématique d’incompatibilité apparente pour les entités d’investissement entre les dispositions issues des directives comptables et celles issues du règlement IAS de 2002. Après analyse et à des fins de sécurité juridique, les services de la Commission européenne ont publié un document de travail le 6 juin 2013 intitulé « Commission services’ views on the interaction between the amendments to IFRS 10, IFRS 12 and IAS 27 regarding investment entities and the 7th Directive – Groups comprised of only investment entities »7.
En substance, il s’agissait de déterminer si une entité d’investissement faisant appel public à l’épargne8 et soumise – par obligation – au règlement IAS de 2002 satisfaisait aux obligations posées par la directive comptable. Certains Etats membres s’étaient en effet inquiétés de l’éventuelle duplication qui pourrait résulter de cette situation, à savoir l’obligation d’établir simultanément des états financiers conformes à la norme IFRS 10 en application du règlement IAS de 2002 et des comptes consolidés en application des directives comptables.
A l’issue de leur analyse, les services de la Commission européenne ont confirmé qu’en application de la règle dite de « lex specialis derogat lex generalis », le droit comptable spécial – celui du règlement IAS de 2002 – prévaut sur le droit comptable commun – celui des directives comptables9.
Dès lors, une entreprise d’investissement établissant des états financiers conformément à la norme IFRS 10 et à l’exception de consolidation (IFRS 10 § 31) en application du règlement IAS de 2002 est réputée satisfaire aux obligations posées par la directive 2013/34/UE10.
En conséquence, il doit être considéré que les états financiers IFRS d’une entreprise de droit luxembourgeois soumise au règlement IAS de 2002 et répondant à la définition d’entité d’investissement au sens de la norme IFRS 10, satisfont aux obligations prévues par la directive comptable 2013/34/UE et font conséquemment l’objet d’un dépôt au Registre de commerce et des sociétés (RCS) aux fins de publication en lieu et place de comptes consolidés établis conformément à la directive comptable11.
Dans le contexte luxembourgeois de même qu’au sein d’autres Etats membres ayant exercé les options prévues à l’article 5 du règlement IAS de 200212, les incertitudes quant aux effets générés par l’incompatibilité apparente entre le régime IFRS – UE et les régimes issus de la directive comptable 2013/34/UE ne se limitent pas aux seules entreprises faisant appel public à l’épargne.
L’incertitude s’étend en effet à toutes les entreprises qui – bien que non visées par l’article 4 du règlement IAS de 2002 (entreprises qui font appel public à l’épargne) – établissent leurs comptes consolidés suivant le référentiel IFRS – UE en application de mesures nationales prises en exécution de l’article 5 point b) du règlement IAS de 2002. Tel est le cas des entreprises de droit luxembourgeois exerçant l‘option prévue à l’article 341bis LSC au Luxembourg.
Pour ces entreprises, la situation apparaît distincte dans la mesure où contrairement aux entreprises faisant appel public à l’épargne, elles ne se trouvent pas dans l’interdiction de consolider leurs entreprises filiales puisque le régime IFRS ne s’applique pas à elles de façon obligatoire. Il leur est en effet loisible de ne pas se prévaloir du régime IFRS (droit comptable spécial) et de ne se soumettre qu’à la seule directive comptable (droit comptable commun) qui requiert la consolidation des entreprises filiales suivant la méthode de l’intégration globale.
Un tel raisonnement ne semble cependant pas approprié dans la mesure où il revient à appliquer un traitement distinct à un régime pourtant identique. En d’autres termes, les états financiers IFRS – UE seraient alors considérés « équivalents » à des comptes consolidés établis conformément à la directive comptable pour les entreprises faisant appel public à l’épargne mais « non équivalents » pour les autres entreprises. Une telle différenciation de traitement n’apparaît pas justifiée considérant notamment que la Commission européenne encourage les Etats membres à autoriser ou à requérir de leurs entreprises qu’elles utilisent les normes IFRS13. Or, l’absence d’équivalence pourrait être perçue comme étant de nature à faire obstacle à cette volonté.
En conséquence, il doit être considéré que les états financiers IFRS d’une entreprise de droit luxembourgeois exerçant l’option de l’article 341bis LSC pour l’utilisation des normes comptables internationales et répondant à la définition d’entité d’investissement au sens de la norme IFRS 10, satisfont aux obligations prévues par la directive comptable 2013/34/UE et font conséquemment l’objet d’un dépôt au Registre de commerce et des sociétés (RCS) aux fins de publication en lieu et place de comptes consolidés établis conformément à la directive comptable .
A l’issue de l’analyse qui précède, il doit être considéré que les états financiers d’une entreprise mère de droit luxembourgeois qui répond à la définition d’« entité d’investissement » au sens du paragraphe 27 de la norme IFRS 10 et qui applique le régime IFRS – UE – soit par obligation (art. 4 du règlement IAS) soit par option (art. 5 point b) du règlement IAS et art. 341bis LSC) – satisfont aux obligations prévues par la directive comptable 2013/34/UE et par la section XVI LSC en matière d’établissement de comptes consolidés.
En conséquence, lesdits états financiers établis conformément à la norme IFRS 10 font l’objet d’un dépôt au Registre de commerce et des sociétés (RCS) aux fins de publication en lieu et place de comptes consolidés établis conformément à la directive comptable.
Avertissement
Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :
Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.
1 Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil
2 Les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV sont définis au sein du Q&A CNC 14/001 “Droit comptable luxembourgeois des entreprises: trois régimes distincts” (anciennement Q&A 01/2014).
3 L’IASB a publié le 31 octobre 2012 les amendements « Entités d’investissement » aux normes IFRS 10, IFRS 12 et IAS 27. Ces amendements ont été adoptés (« endorsed ») par l’Union européenne le 20 novembre 2013 (JOUE 21 novembre 2013) avec application aux exercices débutant à compter du 1er janvier 2014.
4 La norme IFRS 10 pose – dans son paragraphe 27 – les critères permettant de déterminer si l’entreprise est une entité d’investissement :
«27 Une société mère doit déterminer si elle est une entité d’investissement, à savoir une entité qui :
(a) obtient des fonds d’un ou de plusieurs investisseurs, à charge pour elle de leur fournir des services de gestion d’investissements ;
(b) déclare à ses investisseurs qu’elle a pour objet d’investir des fonds dans le seul but de réaliser des rendements sous forme de plus-values en capital et/ou de revenus d’investissement ;
(c) évalue et apprécie la performance de la quasi-totalité de ses investissements sur la base de la juste valeur. Les paragraphes B85A à B85M fournissent des modalités d’application pertinentes. »
5 La norme IFRS 10 pose en effet le principe d’une interdiction de consolidation au sein de son paragraphe 31 en disposant que « sous réserve du paragraphe 32, l’entité d’investissement ne doit pas consolider ses filiales ou appliquer IFRS 3 lorsqu’elle obtient le contrôle d’une autre entité. Elle doit plutôt évaluer ses participations dans des filiales à la juste valeur par le biais du résultat net conformément à IFRS 9 ».
6 Règlement (CE) No 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales
7 Le document de travail est accessible sur le site internet de la Commission européenne à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/internal_market/accounting/docs/arc/2013-07-05-staff-working-paper-ifrs10_en.pdf
8 Entreprise dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé d’un Etat membre de l’Union européenne.
9 Voir notamment le considérant (7) de la directive 2013/34/UE :
« (7) Les dispositions de la présente directive [2013/34/UE] ne devraient s’appliquer que dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles ou en contradiction avec les dispositions relatives à l’établissement de l’information financière de certaines formes d’entreprises ou avec les dispositions relatives à la répartition du capital d’une entreprise prévues dans d’autres actes législatifs en vigueur adoptés par une ou plusieurs institutions de l’Union. »
10 Voir notamment le paragraphe 4.6 du document de travail des services de la Commission européenne :
« 4.6. Based on the above analysis, a group that would prepare separate financial statements as a result of the situation described in this note once amendments have been made to IFRS 10, 12 and IAS 27 should be deemed to be compliant with the Seventh Directive and the IAS Regulation. Since the application of the IAS Regulation cannot subsequently change the conditions which gave rise to this application, such group should not be required to prepare consolidated accounts in addition to those separate financial statements. This would be the same with the new Accounting Directive »
11 Voir notamment le paragraphe 4.7 du document de travail des services de la Commission européenne : « 4.7. Member States are encouraged to examine in the light of their national schemes how to ensure a smooth application of this new situation. In particular, specific measures may be needed to ensure that investment entities in this situation are allowed to publish the separate financial statements as a proxy to the consolidated financial statements which are to be filed under the Seventh Directive. »
12 Voir à cet effet le document intitule “Overview of the use of options provided in the IAS Regulation (1606/2002) in the EU” disponible sur le site internet de la Commission européenne (déc.-2013): http://ec.europa.eu/internal_market/accounting/docs/legal_framework/20140718-ias-use-of-options_en.pdf
13 Voir notamment la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée « Stratégie de l’UE en matière d’information financière : la marche à suivre », Bruxelles, 13 juin 2000 (COM(2000)359final)