L’article 1711-4, paragraphe 1er de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (LSC) dispose que :
« (1) Par dérogation à l’article 1711-1, paragraphe 1er est exemptée de l’obligation d’établir des comptes consolidés et un rapport consolidé de gestion toute société mère lorsque, à la date de clôture de son bilan, l’ensemble des sociétés qui devraient être consolidées, ne dépassent pas, sur base de leurs derniers comptes annuels, au moins deux des trois critères suivants :
La mise en œuvre pratique de cette exemption de consolidation – dénommée usuellement « exemption petit groupe » – renvoie à plusieurs questions. Parmi les questions récurrentes figure notamment celle consistant à savoir si la société mère doit procéder à une consolidation afin de déterminer si elle peut valablement invoquer l’« exemption petit groupe » ou s’il existe des modalités pratiques permettant d’éviter un exercice de consolidation en bonne et due forme.
L’objectif du présent Q&A consiste à présenter les modalités pratiques permettant une mise en œuvre plus aisée de l’exemption petit groupe (article 1711-4 LSC).
Oui. Les seuils chiffrés de 20 millions d’euros pour le total de bilan et de 40 millions pour le chiffre d’affaires net1 s’appliquent au bilan consolidé et au compte de profits et pertes consolidé. « La conséquence en est que la société, pour connaître si elle peut se prévaloir de l’exemption, devra éventuellement procéder au préalable à un essai de consolidation, ce qui est contraire à l’objectif visé qui est précisément de lui épargner ce travail »2.
Le législateur a prévu au sein du paragraphe 2 de l’article 1711-4 LSC des modalités pratiques permettant une mise en œuvre plus aisée de l’« exemption petit groupe » en disposant que « les limites chiffrées des critères relatifs au total du bilan et au montant net du chiffre d’affaires peuvent être augmentés de 20 pourcent lorsqu’il n’est pas procédé à la compensation visée à l’article 1712-4, paragraphe 1er, ni à l’élimination visée à l’article 1712-11, paragraphe 1er, points 1° et 2° ».
« Aussi, pour parer à cet inconvénient [cf. : point 1 ci-dessus], le projet (…) autorise que les critères exprimés en unités monétaires s’appliquent également aux comptes non consolidés, c.-à-d. aux bilans et aux comptes de profits et pertes simplement cumulés de la société mère et de ses filiales, et que dans cette éventualité ils peuvent être augmentés de 20%. Ce relèvement est nécessaire si l’on ne veut placer les sociétés optant pour la deuxième méthode de calcul dans une situation plus défavorable, étant donné que le total du bilan et le montant du chiffre d’affaires de comptes non corrigés des opérations internes sont forcément plus élevés que ceux des mêmes comptes qui ont été allégés par ces éliminations. »3.
Considérant la formulation de l’article 1711-4, paragraphe 1er LSC qui dispose que sont visés les derniers comptes annuels arrêtés des entreprises filiales (« (…) l’ensemble des sociétés qui devraient être consolidées (…) sur la base de leurs derniers comptes annuels (…) »), la CNC est d’avis que pour le seul besoin de la détermination de l’« exemption petit groupe », il ne serait pas raisonnable de requérir des entreprises filiales qu’elles établissent des comptes intérimaires. Dès lors, en cas de dates de clôture décalées au niveau des entreprises filiales, la CNC considère que les chiffres à retenir sont ceux des derniers comptes annuels arrêtés et ce quel que soit le décalage entre la date de clôture de la société mère et celle de ses entreprises filiales.
Pour les besoins de la détermination de l’« exemption petit groupe », la CNC est d’avis que si un exercice d’une entreprise qui devrait être consolidée, a une durée inférieure à 12 mois – par exemple, à la suite d’une modification de la date de clôture – il n’y a pas lieu de procéder à une correction du chiffre d’affaires net (annualisation) ni d’autres agrégats comptables (p.ex. : total du bilan).
Seuils non majorés art. 1711-4 para. 1er LSC | Seuils majorés art. 1711-4 para. 2 LSC | |
Total du bilan: | EUR 20 millions | EUR 24 millions |
Chiffre d’affaires net: | EUR 40 millions | EUR 48 millions |
En cas de recours à la méthode simplifiée visée à l’article 1711-4, paragraphe 2 LSC, ce sont par conséquent des seuils chiffrés d’un montant de EUR 24 millions pour le total du bilan et de EUR 48 millions pour le montant net du chiffre d’affaires qu’il convient de prendre en considération afin de déterminer si la société mère et ses filiales peuvent ou non se prévaloir de l’« exemption petit groupe ».
L’article 1711-4, paragraphe 1er LSC dispose que « (…) est exemptée de l’obligation d’établir des comptes consolidés et un rapport consolidé de gestion toute société mère lorsque, à la date de clôture de son bilan, l’ensemble des sociétés qui devraient être consolidées, ne dépasse pas (…) au moins deux des trois critères (…) ».
Dès lors, il doit en être déduit que les entreprises à prendre en considération pour le cumul des comptes sont la société mère ainsi que chacune de ses entreprises filiales directes ou indirectes, à savoir les entreprises qui font l’objet d’un contrôle exclusif et qui seraient consolidées suivant la méthode de l’intégration globale.
Compte tenu de ce qui précède, sont donc exclues du cumul des comptes les entreprises qui font l’objet d’un contrôle conjoint (article 1712-17 LSC) ainsi que les entreprises sur lesquelles est exercée une influence notable (article 1712-18 LSC). De même, sont exclues du cumul des comptes les entreprises qui feraient l’objet d’une exclusion du périmètre de consolidation en application de l’article 1711-8 LSC4.
Le cumul des comptes prévu à l’article 1711-4, paragraphe 2 LSC consiste en une simple agrégation du total des bilans et du montant net des chiffres d’affaires de la société mère et des entreprises filiales qui seraient comprises dans la consolidation sans procéder « (…) à la compensation visée à l’article 1712-4, paragraphe 1er, ni à l’élimination visée à l’article 1712-11, paragraphe 1er, points 1° et 2° »5.
Pour mémoire :
Contrairement aux critères du total de bilan et du montant du chiffre d’affaires net, l’article 1711-4, paragraphe 2 LSC ne prévoit pas de majoration pour le critère du nombre des membres du personnel employé à plein temps et en moyenne au courant de l’exercice.
Dans ce contexte, il y a lieu d’agréger le nombre des membres du personnel employé à plein temps et en moyenne au cours de l’exercice par la société mère et par l’ensemble des entreprises filiales qui seraient comprises dans la consolidation, à savoir les entreprises qui font l’objet d’un contrôle exclusif et qui feraient l’objet d’une intégration globale. A cet égard, la CNC est d’avis que la notion de « membre du personnel employé à plein temps et en moyenne » renvoie implicitement à la notion d’« équivalent temps plein (ETP) ». Ainsi, deux membres du personnel employés à mi-temps durant l’intégralité de l’exercice équivaudraient à un employé à plein temps aux fins du calcul du critère.
En revanche, les membres du personnel employé par des entreprises faisant l’objet d’un contrôle conjoint ou sur lesquelles est exercée une influence notable sont exclus de ce calcul. De même, les membres du personnel employé par des entreprises qui feraient l’objet d’une exclusion du périmètre de consolidation en application de l’article 1711-8 LSC6 sont également exclus du calcul.
Oui. L’« exemption petit groupe » est soumise au critère de répétition de deux exercices consécutifs en application de l’article 1711-4, paragraphe 4 LSC qui opère un renvoi vers l’article 36 LRCS.
A cet égard, il est renvoyé au Q&A CNC 19/019 « Catégorisation des entreprises: interprétation du critère de répétition visé à l’article 36 LRCS » et tout particulièrement aux cas suivants :
Concernant les groupes préexistants qui viennent de dépasser au moins deux des trois critères de l’article 1711-4 LSC pendant deux exercices consécutifs (N et N+1) et qui se trouvent soumis à l’obligation d’établissement de comptes consolidés à compter de l’exercice suivant (N+2), il importe que les premiers comptes consolidés établis incluent des chiffres comparatifs en relation avec l’exercice précédent (N+1) tant pour le bilan que pour le compte de profits et pertes.
La CNC est d’avis que pour les besoins de la détermination de l’« exemption petit groupe », le périmètre de consolidation doit s’apprécier à la date de clôture de l’exercice.
En cas de contrôle exclusif en date de clôture par la société mère sur une entreprise filiale acquise en cours d’exercice N, il y a lieu de prendre celle-ci en considération pour la détermination de l’« exemption petit groupe » au titre de l’exercice N sans procéder à une proratisation du chiffre d’affaires ou d’autres agrégats comptables à compter de la date de prise de contrôle.
Lorsqu’une entreprise filiale fait l’objet d’une cession en amont de la date de clôture de l’exercice N, il y a lieu d’écarter celle-ci au titre de l’exercice N et de ne pas la considérer pour les besoins de la détermination de l’« exemption petit groupe ».
Dans l’hypothèse où une société mère a cédé l’ensemble de son groupe en amont de la date de clôture de l’exercice (N) et que celle-ci n’exerce dès lors plus de contrôle sur aucune entreprise filiale, ladite société ne répond plus alors à la définition de société mère au sens de l’article 1711-1 LSC et se trouve en conséquence exclue du champ d’application de l’obligation d’établir de comptes consolidés. Il importe de relever que cette exclusion est immédiate et que la société – qui n’est plus une société mère – n’a pas alors besoin de satisfaire au critère de répétition de deux exercices consécutifs (N+1 et N+2) avant de pouvoir bénéficier de l’exemption de consolidation.
Dans l’hypothèse où la société mère a cédé le groupe opérationnel qu’elle détenait en amont de la date de clôture de l’exercice (N) mais qu’elle continue – dans l’attente de leur liquidation – à contrôler des entreprises filiales intermédiaires sans activités opérationnelles, la société mère doit alors déterminer si l’ensemble des filiales qu’elle continue de détenir en fin d’exercice présentent un intérêt significatif ou non.
Dans le cas de figure où l’organe d’administration ou de gestion conclut que l’ensemble des entreprises filiales détenues en fin d’exercice présentent un intérêt non significatif, alors la société mère n’est plus en substance une société mère et celle-ci se trouve en conséquence et en application de l’article 1711-9 LSC immédiatement exemptée de l’obligation d’établir des comptes consolidés.
Dans le cas de figure inverse où l’organe d’administration vient à conclure que toutes ou certaines des entreprises filiales détenues en fin d’exercice (N) demeurent significatives, alors la société mère demeure soumise – même en l’absence de dépassement d’au moins deux des trois critères de l’article 1711-4 LSC – à établissement de comptes consolidés pendant deux exercices consécutifs (N+1 et N+2).
Non. En application du paragraphe 3 de l’article 1711-4 LSC, l’« exemption petit groupe » ne s’applique pas aux sociétés mères lorsque l’une des entreprises à consolider – à savoir la société mère elle-même ou l’une de ses entreprises filiales directes ou indirectes (cf. : point 3.2.) – est une société dont les valeurs mobilières (actions ou obligations) sont admises à la négociation sur un marché réglementé d’un État membre au sens de l’article 1er, point 31° de la loi du 30 mai 2018 relative aux marchés d’instruments financiers.
A noter que dans l’hypothèse où l’entreprise dont les valeurs mobilières sont négociées sur un marché réglementé n’est pas une entreprise filiale mais – par exemple – une entreprise contrôlée conjointement (coentreprise) ou une entreprise sur laquelle est exercée une influence notable (entreprise associée), alors le recours à l’« exemption petit groupe » demeure disponible pour la société mère.
Non. L’article 1711-3, paragraphe 3 LSC dispose que « toute société mère visée à l’article 1711-1 qui détient principalement une ou plusieurs filiales à consolider qui sont des établissements de crédit ou des entreprises d’assurances (…) » peut établir ses comptes consolidés soit suivant le droit comptable commun, à savoir le titre XVII LSC, soit suivant le droit comptable sectoriel, à savoir la loi comptable bancaire du 17 juin 19927 et la loi comptable assurances du 8 décembre 19948.
Pour les sociétés holding de groupes bancaires ou assurantiels qui font l’objet d’une surveillance prudentielle sur une base consolidée et qui font le choix d’établir leurs comptes consolidés suivant le titre XVII LSC (art. 1711-3, para. 3 LSC), la CNC est d’avis que l’« exemption petit groupe » n’est pas disponible par analogie à une holding de groupe bancaire ou assurantiel qui choisirait d’établir ses comptes consolidés suivant le droit comptable sectoriel (loi comptable bancaire du 17 juin 1992 ou loi comptable assurance du 8 décembre 1994).
Avertissement
Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :
Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.
1 S’agissant du critère du chiffre d’affaires net, il est rappelé qu’aux termes de l’article 48 LRCS : « le chiffre d’affaires net comprend le montant de la vente des produits et de la prestation de services, déduction faite des réductions sur ventes, de la taxe sur la valeur ajoutée et d’autres impôts directement liés au chiffre d’affaires ». Ceci implique en pratique que sont exclus de la définition du chiffre d’affaires net, l’ensemble des produits financiers dont les dividendes, les produits d’intérêts et les plus-values de cession de participations. Sont en revanche inclus – lorsqu’ils ne relèvent pas d’activités réalisées à titre accessoire – les revenus de location mobilière et immobilière ainsi que les redevances en relation avec l’exploitation de droits de propriété intellectuelle (p.ex. : concessions, brevets, licences, marques).
2 Projet de loi N°3154 relatif à l’établissement des comptes consolidés, commentaires de l’article 313, page 26.
3 Supra note 2.
4 Infra. Note 6.
5 Cf.: article 1711-4, paragraphe 2 LSC.
6 En synthèse, peuvent être exclues du périmètre de consolidation, les entreprises :
– qui présentent un caractère non significatif au regard de l’objectif d’image fidèle, ou
– pour lesquelles des restrictions sévères et durables entament substantiellement l’exercice de son contrôle par la société mère, ou
– pour lesquelles les informations nécessaires pour établir les comptes consolidés ne peuvent être obtenues sans frais disproportionnés ou sans délai injustifié, ou
– dont les actions et parts sont détenues exclusivement en vue de leur cession ultérieure.
7 Loi du 17 juin 1992 relative:
– aux comptes annuels et comptes consolidés des établissements de crédit de droit luxembourgeois;
– aux obligations en matière de publicité des documents comptables des succursales d’établissements de crédit et d’établissements financiers de droit étranger.
8 Loi du 8 décembre 1994 relative:
− aux comptes annuels et comptes consolidés des entreprises d’assurances et de réassurances de droit luxembourgeois,
− aux obligations en matière d’établissement et de publicité des documents comptables des succursales d’entreprises d’assurances de droit étranger.