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publiée 11.2015

Filiales d’entités d’investissement (IFRS 10 § 27) et maintien des exemptions de consolidation des sous-groupes (art. 314, 315 et 316 LSC)


Contexte

Conformément à la directive comptable1, les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV2 posent comme règle générale, le principe d’une obligation d’établissement de comptes consolidés par toute entreprise mère contrôlant – au minimum – une entreprise filiale. Les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV ont cependant prévu – à l’image des directives comptables et sous réserve du respect des conditions visées aux articles 3143, 3154 et 3165 LSC – le principe d’une exemption d’établissement de comptes consolidés pour les entreprises mères qui sont en même temps des entreprises filiales (« sous-groupes »). Parmi les conditions auxquelles est subordonnée l’exemption figurent (i) l’inclusion de l’entreprise exemptée et de ses entreprises filiales dans les comptes d’un ensemble plus grand d’entreprises et (ii) l’établissement desdits comptes consolidés conformément à la section XVI LSC ou de façon équivalente6.

Dans ce contexte, une entreprise mère de droit luxembourgeois peut généralement se prévaloir de l’une des exemptions prévues aux articles 314, 315 et 316 LSC – sous réserve du respect de l’ensemble des conditions prévues auxdits articles – lorsqu’elle est elle-même contrôlée par une entreprise mère qui l’inclue, avec ses entreprises filiales, dans ses comptes consolidés établis suivant le régime IFRS – UE. Le régime IFRS – UE est en effet considéré comme équivalent aux régimes issus de la directive comptable en application de l’article 23 paragraphe 8 point b) de la directive 2013/34/UE.

L’entrée en vigueur des amendements « Entités d’investissement » d’octobre 2012 à la norme IFRS 10 « Etats financiers consolidés »7 pour les entreprises répondant à la définition d’« entités d’investissement » (IFRS 10 § 27)8 a cependant eu pour effet de modifier le paradigme comptable.

En effet, ces amendements ont eu pour effet d’introduire une « exception à la consolidation » (IFRS 10 § 31)9 suivant laquelle les entités d’investissement ne peuvent plus consolider leurs entreprises filiales – sauf celles qui fournissent des services liés aux activités d’investissement de l’entité d’investissement (IFRS 10 § 32)10 – mais doivent évaluer leurs participations dans des entreprises filiales à la juste valeur par le biais du résultat net conformément à IFRS 9.

Cette transition – pour les entités d’investissement – d’un régime d’obligation à un régime d’interdiction de consolidation suscite plusieurs incertitudes notamment quant à la question du maintien ou non des exemptions prévues aux articles 314, 315 et 316 LSC pour des entreprises luxembourgeoises qui sont filiales d’entités d’investissement recourant au référentiel comptable IFRS.

Question

Une entreprise mère luxembourgeoise détenue par une entité d’investissement au sens de la norme IFRS 10 bénéficie-t-elle – suite à l’entrée en vigueur des amendements « Entités d’investissement » à la norme IFRS 10 – du maintien de l’exemption d’établissement de comptes consolidés en application des articles 314, 315 ou 316 LSC ?

Réponse

La confirmation de l’équivalence des états financiers IFRS 10 § 31 (« exception à la consolidation ») avec les comptes consolidés requis par la directive comptable11

Les services de la Commission européenne ont confirmé dans un document de travail du 6 juin 2013 intitulé
« Commission services’ views on the interaction between the amendments to IFRS 10, IFRS 12 and IAS 27 regarding investment entities and the 7th Directive – Groups comprised of only investment entities »12 que les états financiers IFRS d’une entreprise soumise au règlement IAS de 2002 et répondant à la définition d’entité d’investissement au sens de la norme IFRS 10, satisfont aux obligations prévues par la directive comptable 2013/34/UE et que les Etats membres doivent s’assurer que les entités d’investissement sont autorisées à publier lesdits états financiers IFRS en lieu et place de comptes consolidés établis conformément à la directive comptable13.

Il convient cependant de relever que le document de travail des services de la Commission ne traite pas directement de la question du maintien des exemptions pour les sous-groupes dont l’entreprise mère – intermédiaire ou ultime – est une entité d’investissement au sens du paragraphe 27 de la norme IFRS 10.

Les récents amendements de la norme IFRS 10 de décembre 2014 intitulés « Entités d’investissement : application de l’exception à la consolidation » tendent néanmoins à valider l’hypothèse d’un maintien des exemptions pour les sous-groupes (cf. : point 2)14.

L’exemption de présentation d’états financiers consolidés suivant le paragraphe 4 (a) de la norme IFRS 10 : une confirmation explicite du maintien des exemptions « sous-groupes » par l’IASB

De façon analogue à la directive comptable 2013/34/UE et aux exemptions des articles 314, 315 et 316 LSC, la norme IFRS 10 paragraphe 4 (a) prévoit une exemption de présentation d’états financiers consolidés pour les entreprises mères qui satisfont à certains critères dont la présentation d’états financiers consolidés par l’entreprise mère – ultime ou intermédiaire – de l’entreprise mère (« sous-groupe ») établis conformément aux normes IFRS et accessibles au public.

A cet égard, le Comité d’interprétation des normes IFRS (« IFRS Interpretation Committee ») a été saisi d’une demande en 2013 concernant le maintien ou non de l’exemption prévue au paragraphe 4 (a) de la norme IFRS 10 pour une entreprise mère qui est une entreprise filiale d’une entité d’investissement (mais qui n’est pas elle-même une entité d’investissement) si les conditions prévues aux points (i) à (iii) du paragraphe 4 (a) de la norme IFRS 10 sont satisfaites mais que l’entreprise mère et ses entreprises filiales ne sont pas consolidées par l’entité d’investissement qui les contrôle (IFRS 10 § 4 (a) (iv)), cette dernière présentant des états financiers au sein desquelles ses entreprises filiales sont évaluées à la juste valeur conformément au paragraphe 31 de la norme IFRS 10.

L’IASB a relevé que l’exemption du paragraphe 4 (a) de la norme IFRS 10 se justifie historiquement par des considérations liées aux coûts. Requérir des entreprises mères situées à un niveau intermédiaire d’un groupe de présenter des comptes consolidés est susceptible de générer des coûts supplémentaires qui excédent les avantages produits par lesdits comptes consolidés. L’IASB a rappelé à cet égard – que la combinaison de l’information disponible au sein des états financiers individuels de l’entreprise mère exemptée de présentation d’états financiers consolidés et dans les états financiers consolidés de son entreprise mère située à un niveau supérieure est de nature à fournir une contrepartie suffisante pour les utilisateurs en termes d’informations utiles disponibles.

Concernant la question spécifique liée à l’exception à la consolidation des entités d’investissement et à son effet sur le maintien ou non de l’exemption d’états financiers consolidés par les entreprises filiales (paragraphe 4 (a) de la norme IFRS 10), l’IASB a relevé que lorsqu’une entité d’investissement évalue ses participations dans des entreprises filiales à la juste valeur, les informations requises par la norme IFRS 12
« Informations à fournir sur les intérêts détenus dans d’autres entités » sont complétées par celles requises par les normes IFRS 7 « Instruments financiers : Informations à fournir » et IFRS 13 « Évaluation de la juste valeur ». Dès lors, l’IASB a conclu que cette combinaison d’informations disponibles au sein des états financiers IFRS de l’entreprise mère établis conformément à IFRS 10 § 31 est suffisante pour justifier le maintien de l’exemption de présentation de comptes consolidés par l’entreprise mère qui est entreprise filiale d’une entité d’investissement.

L’amendement de décembre 2014 de la norme IFRS 1015 confirme ainsi explicitement (paragraphe 4 (a) (iv)16) que l’exemption d’établissement de comptes consolidés continue de s’appliquer à une entreprise filiale d’une entité d’investissement qui est elle-même une entreprise mère et cela même si cette entreprise filiale est évaluée à la juste valeur par le compte de résultat dans les états financiers de l’entité d’investissement.

Conclusion

Il peut être déduit des développements qui précèdent (points 1 et 2) qu’une entreprise de droit luxembourgeois qui est une entreprise filiale d’une entité d’investissement présentant ses états financiers en appliquant l’« exception à la consolidation » prévue au paragraphe 31 de la norme IFRS 10 et qui est elle-même entreprise mère (« sous-groupe ») peut valablement invoquer l’exemption d’établissement de comptes consolidés prévue aux articles 314, 315 et 316 LSC sous réserve du respect de l’ensemble des conditions visées audits articles.

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale ;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil

2 Les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV sont définis au sein du Q&A CNC 14/001 “Droit comptable luxembourgeois des entreprises: trois régimes distincts” (anciennement Q&A 01/2014).

3 L’article 314 LSC vise les cas d’exemption où l’entreprise mère contrôlant et intégrant l’entreprise luxembourgeoise et ses filiales au sein de ses comptes consolidées relève du droit d’un Etat membre de l’Union européenne et détient soit la totalité, soit 90% ou plus des actions ou parts de la société exemptée.

4 L’article 315 LSC vise les situations où l’entreprise mère contrôlant et intégrant l’entreprise luxembourgeoise et ses filiales au sein de ses comptes consolidées relève ou non du droit d’un Etat membre de l’Union européenne et – tout en contrôlant l’entreprise luxembourgeoise et ses filiales – détient moins de 90% des actions ou parts de la société exemptée.

5 L’article 316 LSC vise les cas d’exemption où l’entreprise mère contrôlant et intégrant l’entreprise luxembourgeoise et ses filiales au sein de ses comptes consolidées ne relève pas du droit d’un Etat membre de l’Union européenne et détient soit la totalité, soit 90% ou plus des actions ou parts de la société exemptée.

6 Voir Q&A CNC 15/004 pour des développements sur les notions de conformité et d’équivalence (anciennement Q&A 001/15)

7 L’IASB a publié le 31 octobre 2012 les amendements « Entités d’investissement » aux normes IFRS 10, IFRS 12 et IAS 27. Ces amendements ont été adoptés (« endorsed ») par l’Union européenne le 20 novembre 2013 (JOUE 21 novembre 2013) avec application aux exercices débutant à compter du 1er janvier 2014.

8 La norme IFRS 10 pose – dans son paragraphe 27 – les critères permettant de déterminer si l’entreprise est une entité d’investissement :
«27 Une société mère doit déterminer si elle est une entité d’investissement, à savoir une entité qui : (a) obtient des fonds d’un ou de plusieurs investisseurs, à charge pour elle de leur fournir des services de gestion d’investissements ; (b) déclare à ses investisseurs qu’elle a pour objet d’investir des fonds dans le seul but de réaliser des rendements sous forme de plus-values en capital et/ou de revenus d’investissement ; (c) évalue et apprécie la performance de la quasi-totalité de ses investissements sur la base de la juste valeur. Les paragraphes B85A à B85M fournissent des modalités d’application pertinentes. »

9 La norme IFRS 10 pose le principe d’une interdiction de consolidation au sein de son paragraphe 31 en disposant que :
« 31 Sous réserve du paragraphe 32, l’entité d’investissement ne doit pas consolider ses filiales ou appliquer IFRS 3 lorsqu’elle obtient le contrôle d’une autre entité. Elle doit plutôt évaluer ses participations dans des filiales à la juste valeur par le biais du résultat net conformément à IFRS 9 ».

10 La norme IFRS 10 pose – dans son paragraphe 32 – le principe du maintien d’une obligation de consolider les entreprises fournissant des services liés aux activités d’investissement de l’entité d’investissement :
« 32 Nonobstant le paragraphe 31, si l’entité d’investissement a une filiale qui fournit des services liés aux activités d’investissement de l’entité d’investissement (voir paragraphes B85C à B85E), elle doit la consolider selon les paragraphes 19 à 26 de la présente norme et appliquer les dispositions d’IFRS 3 à l’acquisition d’une telle filiale ».

11 Voir Q&A CNC 15/005 (anciennement Q&A 002/15) pour des développements sur l’équivalence – pour une entité d’investissement – des états financiers IFRS avec des comptes consolidés établis suivant les régimes LUX GAAP ou LUX GAAP – JV.

12 Le document de travail est accessible sur le site internet de la Commission européenne à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/internal_market/accounting/docs/arc/2013-07-05-staff-working-paper-ifrs10_en.pdf

13 Voir notamment le paragraphe 4.7 du document de travail des services de la Commission européenne :
« 4.7. Member States are encouraged to examine in the light of their national schemes how to ensure a smooth application of this new situation. In particular, specific measures may be needed to ensure that investment entities in this situation are allowed to publish the separate financial statements as a proxy to the consolidated financial statements which are to be filed under the Seventh Directive. »

14 La procédure d’adoption (« endorsement ») par l’Union européenne est en cours d’achèvement et devrait être finalisée au 1er trimestre de l’année 2016 (http://www.efrag.org/Front/c1-306/Endorsement-Status-Report_EN.aspx).

15 Avertissement : à l’heure où se conclut la rédaction du présent document, la procédure d’adoption (« endorsement ») par l’Union européenne des amendements à la norme IFRS 10 de décembre 2014 intitulés « Entités d’investissement : application de l’exception à la consolidation » n’est pas encore achevée. Si lesdits amendements ne font que confirmer explicitement l’interprétation antérieure, il y a néanmoins lieu de relever que ceux-ci ne font pas partie – jusqu’à leur adoption formelle par l’Union européenne – du référentiel « IFRS – UE ». Aucune difficulté spécifique n’est anticipée dans le processus d’adoption par l’Union européenne, l’EFRAG – conseiller technique de la Commission européenne en matière d’adoption des normes IFRS – ayant émis un avis favorable sur ces amendements (« endorsement advice » du 22 juillet 2015).

16 IFRS 10 § 4 (a) (iv) telle que modifiée en décembre 2014.
“(a) a parent need not present consolidated financial statements if it meets all the following conditions:
(…)
(iv) its ultimate or any intermediate parent produces financial statements that are available for public use and comply with IFRSs, in which subsidiaries are consolidated or are measured at fair value through profit and loss in accordance with this IFRS.”