Logo CNC
publiée 03.2022

Devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV (révisé)


Contexte

A l’image de la directive comptable 2013/34/UE1, ni la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises (LRCS), ni la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (LSC) ne fournissent de lignes directrices quant au choix de la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels.

A contrario, les normes comptables internationales IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne (régime IFRS-UE) disposent de la norme IAS 21 « Effets des variations des cours des monnaies étrangères » qui traite notamment de ces questions en fournissant des lignes directrices.

A l’évidence, au sein des comptes annuels, les différents éléments du bilan, du compte de profits et pertes et de l’annexe ainsi que le contenu des rapports y afférents doivent être présentés dans une seule et même devise afin de fournir une image fidèle globale, cohérente et comparable du patrimoine de l’entreprise, de sa situation financière et de ses résultats.

Le choix de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels se fait généralement lors de la création de l’entreprise, tout changement subséquent devant être exceptionnel et justifié2. Dans la pratique luxembourgeoise, il est à noter que 90%3 des entreprises déposant des données financières au registre de commerce et des sociétés (RCS) présentent des comptes annuels établis en euros.

Au sein du présent Q&A, il est proposé de fournir des éléments de réponse à plusieurs thématiques en relation avec la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels.

Questions

  1. Comment choisir la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels ?
  2. La devise du capital social influence-t-elle le choix de la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels ?
  3. Quelles sont les difficultés lorsque le capital social est libellé dans une devise autre que l’euro ?
  4. Quelle est la source à retenir pour identifier les cours de change ?
  5. Quelles sont les informations à fournir en annexe ?

Comment choisir la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels ?

La LRCS est silencieuse en ce qui concerne la devise à retenir pour la tenue de la comptabilité et l’établissement des comptes annuels.

Dans ce contexte, la pratique admet qu’une entreprise de droit luxembourgeois peut librement choisir la devise qui lui convient le mieux en considérant, le cas échéant, les facteurs4 suivants :

  • l’environnement au sein duquel l’entreprise opère, génère et dépense sa trésorerie ;
  • la devise qui influence son activité économique ;
  • la devise qui influence sa main d’œuvre, les coûts d’achats et autres charges ; et
  • la devise dans laquelle sont générés les fonds provenant des activités de financement.

Conformément à une pratique bien établie, une entreprise de droit luxembourgeois peut ainsi librement sélectionner une devise de son choix ayant cours légal pour la tenue de sa comptabilité et l’établissement de ses comptes annuels sous réserve que celle-ci soit une devise pleinement convertible et librement utilisable et qu’elle soit émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique. A titre d’exemple, les cryptosmonnaies ne répondent pas, pour l’heure, à ces caractéristiques, ce qui paraît exclure – au moment de la publication du présent Q&A – la tenue de comptabilité et l’établissement de comptes annuels dans une cryptomonnaie (p.ex. : Bitcoin) par une entreprise luxembourgeoise.

La devise du capital social influence-t-elle le choix de la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels ?

Malgré le silence des textes de droit comptable quant à la devise à retenir pour la tenue de la comptabilité et l’établissement des comptes annuels, la pratique majoritaire au Luxembourg consiste à aligner la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels sur la devise dans laquelle est libellé le capital social.

A noter cependant que si le droit fiscal luxembourgeois5 semble préconiser l’utilisation de la devise du capital social pour l’établissement des déclarations fiscales, il en va différemment du droit comptable luxembourgeois.

En effet, en l’état actuel des textes, aucune disposition de droit comptable ne requiert un alignement entre la devise du capital social et la devise de tenue de la comptabilité et d’établissement des comptes annuels. En conséquence, il apparaît loisible aux entreprises de retenir une devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels qui diverge de la devise du capital social.

Quelles sont les difficultés lorsque le capital social est libellé dans une devise autre que l’euro ?

La LSC prévoit le capital social minimum en euro de plusieurs formes juridiques de sociétés (p.ex. : € 30 000 pour la SA, € 12 000 pour la S.à r.l.) sans pour autant fournir plus d’indications sur la faculté de libeller le capital social dans une devise autre que l’euro. Dans le silence des textes, il semble possible de libeller le capital social dans une devise autre que l’euro.

Quand le choix d’une devise du capital social autre que l’euro est fait, le respect du capital social minimum (en euro) est à vérifier régulièrement, au minimum chaque année lors de l’établissement des comptes annuels. Un changement de la parité de change pourrait en effet mener à ce que le capital social libellé dans une devise autre que l’euro devienne inférieur au capital social minimum en euro. Il faudra alors corriger immédiatement cette situation afin d’assurer le respect du capital social minimum en euro.

Quelle est la source à retenir pour identifier les cours de change ?

La LRCS n’impose pas de source particulière concernant les taux de change à appliquer en comptabilité pour convertir les montants libellés en devises autres que la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels.

A cet égard, si le droit fiscal luxembourgeois6/7 préconise notamment l’utilisation des taux de la Banque Centrale Européenne (« BCE »), rien n’empêche cependant une entreprise luxembourgeoise d’appliquer – au regard du droit comptable – des taux de change provenant d’une autre source à condition que ceux-ci soient raisonnablement cohérents avec ceux publiés par la BCE.

Conformément aux principes comptables généraux, il importe de souligner que les entreprises sont durablement engagées par leur choix de méthode comptable en ce qui concerne le choix de la source des taux de change et ce afin de respecter l’article 51, para 1er, point b) LRCS qui dispose que « les méthodes comptables et les modes d’évaluation ne peuvent pas être modifiés d’un exercice à l’autre8 ».

Quelles sont les informations à fournir en annexe ?

Dans un contexte où la LRCS n’exige aucune information sur les devises et les règles de conversion dans les comptes annuels, la CNC est d’avis qu’il convient de se baser sur les principes généraux notamment sur l’objectif d’image fidèle visé à l’article 26, para. 3 LRCS ainsi que sur le principe de clarté visé à l’article 26, para. 2 LRCS.

La CNC note que dans la pratique, la devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels est généralement mentionnée de façon explicite dans l’annexe des comptes annuels9. Par ailleurs, celle-ci apparaît automatiquement sur les formulaires eCDF du plan comptable normalisé (PCN), du bilan (abrégé ou non abrégé) et du compte de profits et pertes (abrégé ou non abrégé).

Conclusion

Dans le silence des textes, il n’est pas imposé aux entreprises de tenir leur comptabilité et d’établir leurs comptes annuels dans une devise spécifique, par exemple l’euro en tant que monnaie ayant cours légal au Luxembourg ou encore suivant la devise dans laquelle leur capital social est libellé. Dans ce contexte, les entreprises disposent de la faculté de déterminer librement la devise dans laquelle est tenue leur comptabilité et sont présentés leurs comptes annuels sous réserve que celle-ci ait cours légal et soit pleinement convertible et librement utilisable et qu’elle soit émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique.

A cet égard, la CNC relève que l’objectif d’image fidèle visé à l’article 26, para. 3 LRCS et le principe de clarté visé à l’article 26, para. 2 LRCS doivent prévaloir pour cette thématique de devise de tenue de comptabilité et d’établissement des comptes annuels, une information claire et fidèle devant être fournie en annexe des comptes annuels.

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale ;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif ;
  • ne préjugent pas des impacts fiscaux qui peuvent découler des traitements comptables mentionnés.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 Cf. : Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil.

2 Cf. : Q&A CNC 21/024 « Changement de méthodes comptables, de modes d’évaluation et d’estimations comptables en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV ».

3 Analyses 4/2020. La Centrale des bilans : un état des lieux décennal, Institut national de la statistique et des études économiques (STATEC), p. 14.

4 Facteurs inspirés de la norme IAS 21 « Effets des variations des cours des monnaies étrangères », para.9.

5 Cf. : Circulaire du directeur des contributions L.G. – A no.60 du 6 juillet 2018.

6 Cf. : l’article 37 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée dispose que :
« 1. Lorsque les éléments servant à déterminer la base d’imposition à l’importation sont exprimés dans une monnaie étrangère, le taux de change est déterminé selon les dispositions communautaires en vigueur pour calculer la valeur en douane.
2. Lorsque des éléments servant à déterminer la base d’imposition d’une opération autre qu’une importation de biens sont exprimés dans une monnaie autre que l’euro, le taux de change applicable est celui du dernier taux vendeur déterminé par référence au cours publié par la Banque Centrale du Luxembourg ou par un établissement bancaire agréé à partir du cours fixé par la Banque centrale européenne, ou publié par la Banque centrale européenne, au moment où la taxe devient exigible »

7 Cf. : Circulaire du directeur des contributions L.G. – A no.60 du 6 juillet 2018.

8 Cf. : Q&A CNC 21/024 « Changements de méthodes comptables, de modes d’évaluation et d’estimations comptables en régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV » qui explique dans quelles circonstances il est possible de changer de méthode comptable et de mode d’évaluation et quelles en sont les conséquences.

9 Une note générique sur les devises et les règles de conversion est généralement insérée au sein de l’annexe des comptes annuels au niveau des politiques comptables générales de l’entreprise.