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publiée 03.2016

Terrains et constructions en régime LUX GAAP : modalités d’application du modèle du coût


Questions

Le régime LUX GAAP1 dispose en son article 55 (1) b) LRCS que « le prix d’acquisition ou le coût de revient des éléments de l’actif immobilisé dont l’utilisation est limitée dans le temps doit être diminué des corrections de valeur calculées de manière à amortir systématiquement la valeur de ces éléments pendant leur durée d’utilisation ». Ce même régime dispose ensuite en son article 55 (1) c) bb) LRCS que « leur utilisation soit ou non limitée dans le temps, les éléments de l’actif immobilisé doivent faire l’objet de corrections de valeur afin de donner à ces éléments la valeur inférieure qui est à leur attribuer à la date de clôture du bilan, si l’on prévoit que la dépréciation sera durable ».

Ces dispositions suscitent – en pratique – plusieurs problématiques à caractère interprétatif en particulier quant à l’évaluation en régime LUX GAAP du poste d’actif « C.II.1. Terrains et constructions »2. Plus spécifiquement, dans le cadre de la préparation des comptes annuels, se posent des questions sur les points suivants :

  • le principe d’évaluation séparée du terrain et de la construction (cf. : point 2.) ;
  • l’obligation d’amortissement systématique (cf. : point 3.) ;
  • la prise en considération d’une valeur résiduelle (cf. : point 4.) ;
  • l’admissibilité d’une approche par composantes (cf. : point 5.) ;
  • l’impossibilité de substituer l’obligation de correction de valeur complémentaire en cas de dépréciation durable (art. 55 (1) c) bb) LRCS) à l’obligation d’amortissement systématique (art. 55 (1) b) LRCS (cf. : point 6.).

Réponses

Rappel concernant les modèles d’évaluation comptable des biens immobiliers

La directive comptable 2013/34/UE prévoit le recours à trois modèles d’évaluation comptable, à savoir le modèle du « coût » de l’article 6 para. 1 point i), le modèle de la « réévaluation » de l’article 7 et le modèle de la « juste valeur » de l’article 8 para 1 point b).

Au Luxembourg, deux modèles sont actuellement autorisés suivant les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV :

  • le modèle du coût historique visé à l’article 52 LRCS (LUX GAAP)
  • le modèle de la juste valeur visé à l’article 64sexies LRCS (LUX GAAP – JV)

En revanche, le modèle de la réévaluation n’est disponible ni en LUX GAAP ni en LUX GAAP – JV en l’absence de mise en œuvre de ce modèle par un règlement grand-ducal pris en exécution de l’article 54 LRCS3.

Les développements qui suivent visent à expliciter certaines modalités d’application du modèle du coût (historique) en régime LUX GAAP en ce qui concerne le poste d’actif « C.II.1. Terrains et constructions ».

Le principe d’évaluation séparée du terrain et de la construction

Terrain et construction sont parfois acquis ensemble par l’entreprise et/ou sont gérés par l’entreprise comme s’il s’agissait d’un actif unique. Dans ce contexte, se pose la question de la nature comptable du poste d’actif « C.II.1. Terrains et constructions » : actif unique ou actifs séparés ?

La norme IAS 164 telle qu’adoptée par l’Union européenne (régime IFRS – UE5) tranche cette question en disposant que « les terrains et constructions sont des actifs distincts, traités séparément en comptabilité même lorsqu’ils sont acquis ensemble ». Une telle analyse semble également s’imposer en application des dispositions de la directive comptable 2013/34/UE dont découle le régime LUX GAAP. Cette qualification comptable d’actifs séparés a notamment pour effet que :

  • lors de l’acquisition du bien immobilier et notamment lorsque terrain et construction sont acquis ensemble, le prix d’achat global doit être affecté – au minimum – entre, d’une part, le prix d’achat du terrain, et d’autre part, le prix d’achat de la construction. Dans les cas où l’acte d’achat n’opère pas une telle répartition du prix d’acquisition, celle-ci doit être effectuée par l’organe d’administration ou de gestion de l’entreprise qui a la faculté – mais non l’obligation – de se faire assister dans cette tâche par un évaluateur indépendant ;
  • lors de l’établissement des comptes annuels et en application du principe d’évaluation séparée des éléments d’actifs visé à l’article 51 paragraphe (1) point e) LRCS, aucune compensation ne peut être effectuée entre terrain et construction. Il en résulte notamment qu’« une augmentation de la valeur du terrain sur lequel est édifiée une construction n’affecte pas la détermination du montant amortissable de la construction » (IAS 16 para. 58).

En régime LUX GAAP (modèle du coût), terrain et construction sont toujours des actifs distincts qu’il convient d’évaluer séparément à l’occasion de leur acquisition (affectation du prix d’achat) et de façon subséquente lors de l’établissement des comptes annuels. En application du principe d’évaluation séparée des éléments d’actifs, aucune compensation ne peut être opérée – par exemple – entre plus-value latente sur le terrain et dépréciation latente sur la construction.

L’obligation d’amortissement systématique : contrepartie de la durée de vie limitée

Il est généralement admis en régime LUX GAAP que les actifs corporels ont – par essence – une durée de vie limitée, à l’exception des terrains6. Concernant les constructions, il est à noter que leur durée de vie ne repose pas uniquement sur des considérations physiques mais dépend également de facteurs tels que l’obsolescence commerciale, technique ou encore réglementaire. Il en découle que si des travaux d’entretien et d’amélioration prolongent la durée d’utilisation d’une construction, ceux-ci n’en confèrent pas pour autant auxdites constructions le caractère d’immobilisations à durée de vie illimitée.

Le régime LUX GAAP dispose ainsi en son article 55 (1) b) LRCS que le coût des « éléments de l’actif immobilisé dont l’utilisation est limitée dans le temps doit être diminué des corrections de valeur calculées de manière à amortir systématiquement la valeur de ces éléments pendant leur durée d’utilisation ».

Il ressort de ce qui précède que contrairement aux terrains, les constructions qui sont des actifs à durée de vie limitée, doivent faire l’objet d’un amortissement systématique. Le caractère obligatoire de l’amortissement systématique dans le cadre du modèle du « coût » a été expressément confirmé dans une communication interprétative de la Commission européenne7 concernant certains articles de la quatrième Directive et de la septième Directive du Conseil en matière comptable (98/C16/04). Cette communication interprétative dispose en effet en son point 30 que : « l’obligation d’amortissement s’applique également aux immeubles dont la juste valeur est égale ou supérieure à la valeur comptable ou dont la durée de vie résiduelle estimée est illimitée ou, en tout état de cause, si longue que le montant annuel de l’amortissement serait négligeable. La directive prescrit que les éléments de l’actif immobilisé, tels que les constructions, dont la durée d’utilisation est limitée, soient amortis sur cette même durée. L’objectif de l’amortissement est d’étaler le prix d’acquisition de manière systématique sur la vie utile du bâtiment considéré »8.

En régime LUX GAAP (modèle du coût), les constructions figurant en immobilisations corporelles sont soumises à l’obligation d’amortissement systématique, conséquence directe de la durée de vie limitée de cette catégorie d’actifs. A contrario et sauf exception (p.ex. : carrières), les terrains ne font pas l’objet d’un amortissement systématique en régime LUX GAAP (modèle du coût).

La prise en considération d’une valeur résiduelle

A l’image de la directive comptable 2013/34/UE, le régime LUX GAAP est silencieux quant à la détermination du montant amortissable des immobilisations à durée de vie limitée telles que les bâtiments et constructions et notamment quant à la faculté de prendre en considération une valeur résiduelle. A cet égard, la communication interprétative précitée apporte une clarification utile en précisant en son point 34 que « la base d’amortissement, ou montant amortissable, est constituée par ‘le prix d’acquisition ou le coût de revient’. Dans la pratique comptable, cependant, la valeur amortissable d’un élément de l’actif est parfois déterminée après déduction de la valeur résiduelle de celui-ci. Bien que la directive ne fasse pas expressément mention de la valeur résiduelle, l’utilisation de celle-ci dans le calcul de la valeur amortissable d’un élément d’actif n’est pas contraire à ladite directive ».

Il en résulte qu’en régime LUX GAAP, la base amortissable d’une immobilisation corporelle à durée de vie limitée peut également être calculée par différence entre le coût d’acquisition historique et la valeur résiduelle. Il convient cependant de préciser les modalités de détermination de la valeur résiduelle.

La directive comptable et le régime LUX GAAP étant silencieux sur la notion de valeur résiduelle et la communication interprétative de la Commission européenne s’étant cantonnée à préciser que la notion de valeur résiduelle est compatible avec la directive sans pour autant la définir, il apparaît opportun de se référer à la définition proposée par les normes comptables IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne (régime IFRS – UE). A cet égard, la norme IAS 16 telle qu’adoptée par l’Union européenne définit dans son paragraphe 6 la valeur résiduelle d’un actif comme « le montant estimé qu’une entité obtiendrait actuellement de la sortie de l’actif, après déduction des coûts de sortie estimés, si l’actif avait l’âge et se trouvait déjà dans l’état prévu à la fin de sa durée d’utilité ». Il peut en être déduit qu’il ne s’agit pas d’estimer la valeur de l’actif à la fin de sa durée d’utilisation de façon prévisionnelle mais plutôt de l’apprécier en date d’acquisition pour un actif similaire qui aurait été utilisé sur cette même période. Cette estimation de la valeur résiduelle devra être révisée « si les attentes diffèrent par rapport aux estimations précédentes » (IAS 16 para. 51). Les modifications dans l’évaluation de la valeur résiduelle sont traitées comme des changements d’estimation comptable dont l’effet est comptabilisé dans le compte de profits et pertes de l’exercice courant.

En régime LUX GAAP (modèle du coût), la base amortissable d’un actif à durée de vie limitée peut intégrer – dans sa détermination – une valeur résiduelle de l’actif dont l’estimation initiale ainsi que la révision périodique de celle-ci, relève de la responsabilité de l’organe d’administration ou de gestion.

L’admissibilité d’une approche par composantes

La directive 2013/34/UE et le régime LUX GAAP étant également silencieux sur la question des modalités de calcul de l’amortissement et – en l’espèce – sur l’admissibilité d’une approche par composantes, il apparaît à nouveau opportun de se référer à la définition proposée par les normes comptables IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne (régime IFRS – UE). Or, suivant la norme IAS 16 adoptée par l’U.E., « chaque partie de l’immobilisation corporelle ayant un coût significatif par rapport au coût total de l’élément doit être amortie séparément » (IAS 16 para. 43). Chaque composant significatif a en effet une durée d’utilité et une valeur résiduelle distinctes. S’agissant d’une construction, la structure tend ainsi à avoir une durée de vie plus longue que les installations électriques, de plomberie ou de chauffage ou encore que les aménagements et agencements (portes et fenêtres, cloisons, …). Suivant cette approche, il convient donc que l’« entité ventile le montant initialement comptabilisé pour une immobilisation corporelle en ses parties significatives » (IAS 16 para. 44).

Si l’approche par composantes ne constitue pas une obligation au sein du régime LUX GAAP, son application apparaît néanmoins possible car conforme aux principes généraux et contribuant à l’objectif d’image fidèle.

En régime LUX GAAP (modèle du coût), les entreprises ont la faculté – sans que cela ne constitue une obligation – d’adopter une approche par composantes dans l’évaluation de l’amortissement systématique des différents éléments de la construction. Suivant cette approche, chaque composant significatif se voit attribuer une durée d’utilité ainsi que – le cas échéant – une valeur résiduelle distincte. Alternativement, les entreprises peuvent procéder à l’amortissement systématique de la construction dans son ensemble en retenant un taux d’amortissement composite qui reflète fidèlement la durée de vie moyenne de la construction en fonction de la valeur relative de ses différents éléments.

L’impossibilité de substituer l’obligation de correction de valeur complémentaire en cas de dépréciation durable (art. 55 (1) c) bb) LRCS) à l’obligation d’amortissement systématique (art. 55 (1) b) LRCS.

Parmi les problématiques interprétatives soulevées par les articles 55 (1) b) LRCS et 55 (1) c) bb) LRCS figure la question de la nécessité de pratiquer l’amortissement systématique prévu à l’article 55 (1) b) LRCS sur l’élément d’actif « construction » lorsque la juste valeur de l’ensemble « terrain et construction » est supérieure à la valeur nette comptable de ces éléments. En d’autres termes, la question s’est posée – dans cette situation spécifique – quant à la faculté pour les entreprises de substituer l’obligation de correction de valeur en cas de dépréciation durable (art. 55 (1) c) bb) LRCS) à l’obligation d’amortissement systématique (art. 55 (1) b) LRCS).

Les développements qui précèdent conduisent à la conclusion de l’impossibilité – dans le modèle du coût en régime LUX GAAP – de substituer la correction de valeur en cas de dépréciation durable (art. 55 (1) c) bb) LRCS) sur l’ensemble « terrain et construction » à l’amortissement systématique de la « construction ».

Aux termes de l’analyse qui précède, il apparaît en effet que :

Terrain et construction sont des actifs distincts soumis au principe d’évaluation séparée sans compensation possible entre les plus-values latentes de l’un (terrain à durée de vie illimitée) et les dépréciations latentes de l’autre (construction à durée de vie limitée) ;
L’amortissement systématique des immobilisations corporelles à durée de vie limitée constitue une obligation confirmée par la Commission européenne.

Il en résulte que l’obligation de correction de valeur en cas de dépréciation durable ne s’applique aux immobilisations corporelles à durée de vie limitée (p.ex. : constructions) qu’à titre complémentaire en surplus de l’obligation d’amortissement systématique à laquelle il ne peut pas être dérogé. Cette obligation de correction de valeur en cas de dépréciation durable s’applique en revanche à titre principal aux immobilisations corporelles à durée de vie illimitée (p.ex. : terrains, sauf exceptions) en l’absence d’obligation d’amortissement systématique.

En régime LUX GAAP (modèle du coût), il ne peut pas être dérogé à l’obligation d’amortissement systématique des immobilisations corporelles à durée de vie limitée. La substitution de l’amortissement systématique par la correction de valeur en cas de dépréciation durable n’est pas valide, la seconde étant conçue comme complémentaire – et non comme alternative – à la première.

Conclusions sur l’application du modèle du coût aux terrains et constructions en régime LUX GAAP

Sur base des considérations qui précèdent, il peut être conclu qu’en application du modèle du coût en régime LUX GAAP :

  • terrain et construction sont deux actifs distincts qui doivent être évalués séparément ;
  • aucune compensation ne peut être opérée entre plus-value latente sur le terrain et dépréciation latente sur la construction ;
  • la construction doit toujours faire l’objet d’un amortissement systématique ;
  • une valeur résiduelle peut être prise en considération ;
  • une approche par composantes peut être adoptée ;
  • l’obligation d’amortissement systématique des immobilisations à durée de vie limitée (art. 55 (1) b) LRCS) ne peut pas être remplacée par l’obligation de correction de valeur en cas de dépréciation durable (art. 55 (1) c) bb) LRCS), la seconde étant complémentaire à la première ;
  • l’entreprise doit appliquer les méthodes comptables retenues de façon cohérente à l’ensemble des actifs de même catégorie.

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale ;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 Cf.: Q&A CNC 14/001 “Droit comptable luxembourgeois des entreprises: trois régimes distincts » (anciennement Q&A 01/2014)

2 Cf. : Schéma de bilan 2016 suivant le règlement grand-ducal du 18 décembre 2015 déterminant la forme et le contenu des schémas présentation du bilan et du compte de profits et pertes, Annexe I, Mém. A – N°258 du 28 décembre 2015.

3 Cf. : Q&A CNC 14/002 « Réévaluation des immobilisations corporelles en droit comptable luxembourgeois des entreprises » (anciennement Q&A 02/2014)

4 Norme comptable internationale 16 (IAS 16) Immobilisations corporelles

5 Cf.: Supra note 1.

6 Sauf quelques exceptions, telles que des carrières et des sites de décharge, les terrains ont une durée d’utilité illimitée et ne sont donc pas amortis (IAS 16 para. 58).

7 Communication interprétative de la Commission européenne concernant certains articles de la quatrième Directive et de la septième Directive du Conseil en matière comptable (98/C16/04) – JO C 16 du 20.1.1998, pp. 5-12

8 La Commission européenne poursuit dans le point 31 de sa communication interprétative en précisant que « l’application d’une méthode d’évaluation non fondée sur le prix d’acquisition est une autre question ».