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publiée 06.2016

Immeubles de placement en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV : modèle du coût vs modèle de la juste valeur


Contexte

Les lois du 10 décembre 20101 et du 30 juillet 20132 ont eu pour objet de faire converger le droit comptable commun applicable aux entreprises luxembourgeoises vers les normes comptables internationales IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne en introduisant notamment des concepts nouveaux tels que le principe de substance ou la méthode de l’évaluation à la juste valeur. Cette approche n’a pas été modifiée par la loi du 18 décembre 20153 portant transposition de la directive 2013/34/UE4.

Ainsi, en application de l’article 64sexies LRCS, des catégories d’actifs autres que les instruments financiers peuvent faire l’objet d’une évaluation à la juste valeur en régime LUX GAAP – JV5 lorsque cette évaluation à la juste valeur est autorisée par le régime IFRS – UE.

Dans ce contexte, une nouvelle catégorie d’actifs dite des « immeubles de placement » est indirectement apparue en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV par l’intermédiaire de l’article 64sexies et de son renvoi au régime IFRS – UE. Cette catégorie d’actifs est distincte de celle des terrains et constructions destinés à être utilisés dans la production, la fourniture de biens et de services, à des fins administratives ou destinés à être vendus dans le cadre de l’activité ordinaire6.

Questions

Dans le silence des textes, plusieurs questions se posent quant aux traitements comptables disponibles en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV pour la catégorie d’actifs des « immeubles de placement ».

Réponse

Le présent Q&A se propose de traiter diverses problématiques liées au traitement comptable de la catégorie d’actifs des immeubles de placement en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV, à savoir :

  1. La définition de la catégorie d’actifs des « immeubles de placement »;
  2. La qualification comptable des immeubles de placement en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV ;
  3. La comptabilisation, l’évaluation et la présentation des immeubles de placement en application du régime LUX GAAP : l’application du modèle du « coût » ;
  4. La comptabilisation, l’évaluation et la présentation des immeubles de placement en application du régime LUX GAAP – JV : l’application du modèle de la « juste valeur » ;
  5. Conclusions sur les traitements comptables disponibles en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV pour la catégorie d’actifs des immeubles de placement.

La définition de la catégorie d’actifs des « immeubles de placement »

A l’image de la directive comptable 2013/34/UE, les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV ne connaissent pas le concept d’immeubles de placement défini comme suit par la norme IAS 40 adoptée par l’Union européenne :

« Un immeuble de placement est un bien immobilier (terrain ou bâtiment – ou partie d’un bâtiment – ou les deux) détenu (par le propriétaire ou par le preneur dans le cadre d’un contrat de location-financement) pour en retirer des loyers ou pour réaliser une plus-value en capital ou les deux, plutôt que pour : (a) l’utiliser dans la production ou la fourniture de biens ou de services ou à des fins administratives ; ou (b) le vendre dans le cadre de l’activité ordinaire. »

Il résulte de ce qui précède que la notion comptable d’immeubles de placement est un concept directement importé du régime IFRS – UE et dont il apparaît utile de fournir des précisions quant au traitement comptable en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV.

La qualification comptable des immeubles de placement en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV

La directive comptable 2013/34/UE dont découlent les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV n’opère pas de distinction entre un bien immobilier occupé par l’entreprise à des fins opérationnelles (p.ex. : pour être utilisé dans la production, la fourniture de biens ou de services ou à des fins administratives) et un bien immobilier détenu par l’entreprise à des fins de placement (p.ex. : pour générer des revenus locatifs et/ou pour réaliser une plus-value en capital). L’un comme l’autre constituent des immobilisations corporelles lorsqu’ils sont destinés à servir de façon durable aux activités (opérationnelles ou de placement) de l’entreprise.

En revanche, dans les situations où un bien immobilier est détenu par l’entreprise en vue de sa vente dans le cadre des activités ordinaires de l’entreprise ou du processus de construction ou d’aménagement en vue de ladite vente, alors ces biens font généralement l’objet d’une classification en actif circulant (stocks) en application de la directive comptable et des régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV qui en découlent.

Par conséquent, en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV, les immeubles de placement au sens de la norme IAS 40 détenus par l’entreprise constituent généralement – au même titre que les immeubles occupés par l’entreprise à des fins opérationnelles – des immobilisations corporelles qui font l’objet d’une classification au bilan sous le poste C.II.1. « Terrains et constructions »7.

La comptabilisation, l’évaluation et la présentation des immeubles de placement en application du régime LUX GAAP : l’application du modèle du « coût »

Le régime LUX GAAP repose sur une évaluation fondée sur le principe du prix d’acquisition ou du coût de revient en application de l’article 52 LRCS.

Ainsi, en régime LUX GAAP, les immeubles de placement doivent être évalués suivant le modèle du coût conformément aux dispositions des articles 52 et 55 LRCS et dont les modalités d’application pratiques au poste « Terrains et constructions » sont explicitées au sein du Q&A CNC 16/0078.

A cet effet, il est rappelé que – suivant le modèle du coût – en régime LUX GAAP comme en régime IFRS – UE9, terrains et constructions sont des actifs distincts soumis au principe d’évaluation séparée même lorsque – en substance – ils ont été acquis ensemble par l’entreprise et/ou sont gérés par l’entreprise comme s’il s’agissait d’un actif unique.

En conséquence, aucune compensation ne peut être opérée – par exemple – entre plus-value latente sur le terrain et dépréciation sur la construction. Le principe d’obligation d’amortissement systématique des immobilisations à durée de vie limitée s’applique ainsi aux constructions, les terrains en étant généralement dispensés – sauf exception (p.ex. : carrières) – du fait de leur durée de vie illimitée.

La comptabilisation, l’évaluation et la présentation des immeubles de placement en application du régime LUX GAAP – JV : l’application du modèle de la « juste valeur »

L’application du modèle de la juste valeur aux immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV renvoie à plusieurs problématiques en termes d’éligibilité, de modalités d’application et d’utilisation des bénéfices résultant de ce modèle d’évaluation. Au sein du présent Q&A, ces différents points seront traités comme suit :

  • l’éligibilité des immeubles de placement à l’option juste valeur en régime LUX GAAP – JV (cf. : 4.1.) ;
  • les modalités d’application du modèle de la juste valeur aux immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV (cf. : 4.2.) ;
  • le caractère non distribuable des gains non réalisés liés à l’évaluation des immeubles de placement à la juste valeur et l’affectation en réserves indisponibles (cf. : 4.3.).

Eligibilité des immeubles de placement à l’option juste valeur en régime LUX GAAP – JV

Le régime LUX GAAP – JV prévoit la faculté pour les entreprises de procéder à l’évaluation de certaines catégories d’actifs autres que les instruments financiers par référence à leur juste valeur en application de l’article 64sexies à condition que le modèle de la juste valeur soit autorisé par le régime IFRS – UE pour ces catégories d’actifs.

Il résulte de ce qui précède que l’évaluation à la juste valeur des immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV (article 64sexies LRCS10) est possible parce que le modèle de la juste valeur pour cette catégorie d’actifs est lui-même autorisé par le régime IFRS – UE en application de la norme IAS 4011.

Modalités d’application du modèle de la juste valeur aux immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV

Force est de constater que l’article 64sexies LRCS relatif à l’option juste valeur applicable aux catégories d’actifs autres que les instruments financiers ne fournit que peu d’informations relatives aux modalités d’application du modèle de la juste valeur en régime LUX GAAP – JV.

Dans ce contexte, plusieurs questions pratiques se posent aux entreprises souhaitant se prévaloir de l’option juste valeur en régime LUX GAAP – JV notamment sur les aspects suivants :

  • le modèle de la juste valeur (cf. : 4.2.1.) ;
  • l’application de l’option juste valeur à l’ensemble de la catégorie d’actifs (cf. : 4.2.2.) ;
  • la permanence des méthodes et ses implications (cf. : 4.2.3.) ;
  • la classification des gains et pertes (cf. : 4.2.4.) ;
  • la comptabilisation d’impôts différés (cf. : 4.2.5.) ;
  • la présentation d’informations en annexe (cf. : 4.2.6.).

Les développements qui suivent ont pour objet d’expliciter ces différents éléments en se référant aux textes légaux et réglementaires applicables et en proposant – dans le silence des textes – des éléments tendant à faciliter l’application du modèle de la juste valeur par les entreprises luxembourgeoises souhaitant se prévaloir de cette option en régime LUX GAAP – JV.

Le modèle de la juste valeur

L’article 64sexies LRCS n’explicite pas les modalités d’application du modèle de la juste valeur aux immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV.

Dans le silence des textes, certains courants doctrinaux considèrent que la notion de juste valeur12 et – plus largement – le modèle de la juste valeur en régime LUX GAAP – JV sont autonomes vis-à-vis du modèle de la juste valeur en régime IFRS – UE13 tel que proposé – dans le cas des immeubles de placement – par la norme IAS 40.

A contrario, d’autres courants doctrinaux considèrent que le modèle de la juste valeur en régime LUX GAAP – JV constitue une « option IAS / IFRS » qui implique une référence directe en régime LUX GAAP – JV au modèle de la juste valeur du régime IFRS – UE, à savoir – dans le cas des immeubles de placement – l’application des dispositions de la norme IAS 40 relatives au modèle de la juste valeur14.

Après analyse, la CNC relève que l’article 64sexies LRCS ne fait pas explicitement référence à la norme IAS 40 concernant les immeubles de placement ni à la norme IFRS 13 concernant la juste valeur. Cette situation implique – en théorie – qu’en l’absence de choix effectués par le législateur européen, les Etats membres introduisant le modèle de la juste valeur en droit interne disposent de la faculté de définir des principes comptables généralement admis en la matière voire que – en l’absence de choix effectués par le législateur national – les entreprises aient la faculté de choisir le système de juste valeur appliqué aux immeubles de placement auquel elles se réfèrent en régime LUX GAAP – JV.

L’examen approfondi des travaux préparatoires révèle cependant – en pratique – que cette autonomie des Etats membres et de leurs entreprises vis-à-vis du modèle retenu par la norme IAS 40 telle qu’adoptée par l’Union européenne, est en fait limitée.

En effet, les travaux préparatoires des directives comptables européennes révèlent que – suite à l’adoption de la directive 2001/65/CE15 introduisant une option juste valeur pour les instruments financiers permettant en substance l’application de la norme IAS 3916 – le législateur européen a réalisé que le modèle de la juste valeur au sein du référentiel IFRS concernait également des catégories d’actifs autres que les instruments financiers et a souhaité – afin de supprimer toute incompatibilité – faire converger les directives comptables vers le référentiel IFRS sur ces points. Les travaux préparatoires de la directive 2003/51/CE dite de « modernisation des directives comptables »17 précisent ainsi les objectifs, l’esprit et les limites posées par le texte européen à l’origine de l’article 64sexies LRCS :

« D’autres IAS exigent ou autorisent la comptabilisation de certains types d’actifs à leur juste valeur, notamment l’IAS 40 Immeubles d’investissement et l’IAS 41 Agriculture. Ces normes contiennent des exigences détaillées concernant la juste valeur et toutes deux prévoient l’obligation d’enregistrer les gains et les pertes découlant de ce mode d’évaluation au compte de profits et pertes. La modification proposée insère deux nouveaux articles 42 sexies et 42 septies, nécessaires pour permettre l’application des deux normes. Il est considéré que tout État membre qui autorise, et toute entreprise qui adopte, le système de la juste valeur ne doit le faire que dans le cadre d’un système comptable reconnu et généralement admis, comme celui des IAS. Les paragraphes 12 et 22 introduisent une disposition générale habilitant les États membres à autoriser l’application de ce traitement à toute catégorie d’actifs déterminée par eux. Ce point conditionne l’adaptation ultérieure de la directive aux changements futurs. » 18

Il résulte, par conséquent, d’une lecture contextualisée du droit comptable européen que :

(i) l’introduction des articles 42 sexies et 42 septies au sein de la 4ème directive 78/660/CEE visaient expressément à permettre l’application des normes IAS 40 Immeubles de placement et IAS 41 Agriculture ;

(ii) le caractère générique des articles 42 sexies et 42 septies visait à permettre l’inclusion – sans modification ultérieure de la directive – de nouvelles catégories d’actifs pour lesquelles l’évaluation à la juste valeur serait à l’avenir autorisée par de nouvelles normes IFRS ;

(iii) la directive n’habilitait les Etats membres à autoriser ou à requérir le modèle de la juste valeur que dans le cadre d’un système comptable reconnu et généralement admis, tel que le référentiel IFRS.

Dans le contexte luxembourgeois, force est de relever qu’il n’existe actuellement pas de système comptable reconnu et généralement admis relatif au modèle de la juste valeur appliqué aux immeubles de placement en dehors de celui proposé par le régime IFRS – UE19. La CNC est dès lors d’avis que l’application du modèle de la juste valeur aux immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV devrait se faire conformément aux dispositions de la norme IAS 40 telle qu’adoptée par l’Union européenne.

L’application de l’option juste valeur à l’ensemble de la catégorie d’actifs

Conformément aux dispositions de l’article 64sexies LRCS20 et de la norme IAS 4021, l’option juste valeur doit être appliquée à une catégorie d’actifs dans son ensemble.

Parmi les catégories d’actifs autres que les instruments financiers visés par l’article 64sexies LRCS figure la catégorie d’actifs des immeubles de placement.

En conséquence, les entreprises souhaitant se prévaloir de l’option juste valeur en régime LUX GAAP – JV pour l’évaluation de leurs immeubles de placement doivent évaluer l’ensemble de leurs immeubles de placement suivant ce modèle.

S’il est loisible aux entreprises de déterminer des sous-catégories d’immeubles de placement, par exemple sur base de critères géographiques (p.ex. : Europe, Amériques, Asie, etc.) ou sur base de caractéristiques propres aux biens immobiliers (p.ex. : immobilier industriel, administratif ou résidentiel), ces sous-catégories ne peuvent pas justifier l’application de méthodes comptables distinctes à des éléments appartenant à une seule et même catégorie d’actifs (p.ex. : modèle de la juste valeur pour certains immeubles de placement et modèle du coût pour d’autres immeubles de placement).

La permanence des méthodes et ses implications

En application de l’article 51 (1) b) LRCS « les méthodes comptables et les règles d’évaluation ne peuvent pas être modifiées d’un exercice à l’autre ».

Il en résulte qu’une entreprise optant pour l’option juste valeur appliquée aux immeubles de placement est durablement engagée par ce modèle d’évaluation.

Un changement de méthode comptable ne pouvant intervenir que dans des circonstances exceptionnelles, il appartient à l’organe d’administration ou de gestion de l’entreprise concernée de mentionner les raisons ayant conduit au changement de méthode comptable ainsi que son impact pour les utilisateurs des états financiers conformément aux principes comptables généraux et à l’objectif d’image fidèle22.

La classification des gains et pertes

Le modèle de la juste valeur diffère du modèle du coût en ce qu’il permet la comptabilisation de produits qui ne sont pas réalisés au sens de l’article 51 (1) c) aa) LRCS.

Dans ce contexte, plusieurs questions se posent concernant la détermination et la classification des gains et des pertes résultant de l’application de ce modèle, à savoir :

(i) Détermination et classification des gains et pertes résultant de l’évaluation à la juste valeur

En application du modèle de la juste valeur, les gains ou pertes résultant de l’évaluation à la juste valeur d’immeubles de placement se déterminent par différence entre la juste valeur en date de clôture de l’exercice courant et la juste valeur en date de clôture de l’exercice précédent. C’est ainsi la variation de juste valeur durant l’exercice comptable qui apparaît en compte de profits et pertes.

S’agissant de la classification de cette variation de juste valeur, force est de relever que le compte de profits et pertes – dont le schéma est déterminé par le règlement grand-ducal du 18 décembre 201523 – ne dispose pas de postes dédiés aux gains et pertes résultant de l’évaluation des immeubles de placement à la juste valeur en régime LUX GAAP – JV.

En l’absence de postes dédiés, il est recommandé de classifier les variations positives ou négatives de juste valeur sous le poste 7. a) « Corrections de valeur »24 du compte de profits et pertes. La contrepartie de cette variation se retrouve au bilan sous le poste d’actif C.II.1. « Terrains et constructions ».

(ii) Détermination de la plus ou moins-value de cession

En application du modèle de la juste valeur, la plus ou moins-values de cession d’un immeuble de placement se détermine par différence entre le prix de cession et la juste valeur telle qu’elle ressort des derniers états financiers publiés sans nécessité ni possibilité de revenir au coût d’acquisition historique.

S’agissant de la classification des plus ou moins-value de cession d’immeubles de placement, force est de constater que le compte de profits et pertes – dont le schéma est déterminé par le règlement grand-ducal du 18 décembre 2015 – ne dispose pas de postes dédiés aux plus ou moins-values résultant de la cession d’immeubles de placement.

En l’absence de postes dédiés, il est recommandé de classifier les plus ou moins-values résultant de la cession des immeubles de placement au sein des postes « 4. Autres produits d’exploitation » (pour les plus-values) et « 8. Autres charges d’exploitation » (pour les moins-values).

La comptabilisation d’impôts différés

Si la méthode prédominante de comptabilisation des impôts en régime LUX GAAP est la méthode dite de l’impôt exigible, force est de relever qu’en application du régime LUX GAAP – JV, la méthode de l’impôt différé trouve – le cas échéant – à s’appliquer25.

Dans le cas où la comptabilisation d’impôts différés trouve à s’appliquer et en l’absence de postes dédiés, il est recommandé de classifier la charge d’impôt différé (ou le produit d’impôt différé26) relative à la variation de juste valeur sur les immeubles de placement sous le poste « 15. Impôts sur le résultat » et sa contrepartie au bilan sous le poste de passif B.2 « Provisions pour impôts ».

La présentation d’informations en annexe

En l’état actuel des textes, les entreprises se prévalant de l’option d’évaluation à la juste valeur des immeubles de placement en régime LUX GAAP – JV (art. 64sexies LRCS) doivent fournir en annexe les informations suivantes :

(i) les méthodes comptables27 et les modes d’évaluation (art. 65 (1) 1° LRCS) ;

(ii) les principales hypothèses sous-tendant les modèles et techniques d’évaluation utilisés dans les cas où la juste valeur n’a pas été déterminée par référence à une valeur de marché (art. 64octies, point a) LRCS) ;

(iii) la juste valeur à la date de clôture du bilan et les variations de valeur intervenues au cours de l’exercice pour la catégorie d’actifs des immeubles de placement prise dans son ensemble (art. 64octies, point b) LRCS) ;

(iv) des indications sur les principales modalités et conditions susceptibles d’influer sur le montant et le caractère certain des flux de trésorerie futurs pour la catégorie d’actifs des immeubles de placement prise dans son ensemble (art. 64octies, point c) LRCS) ;

(v) toute information complémentaire lorsque les informations qui précèdent ne suffisent pas à donner l’image fidèle requise à l’article 26(3) LRCS (art. 26(4) LRCS)28.

Caractère non distribuable des gains non réalisés liés à l’évaluation des immeubles de placement à la juste valeur et affectation en réserves indisponibles

Le recours à l’évaluation d’actifs à la juste valeur renvoie à des questions connexes au droit comptable, notamment en matière de détermination des réserves distribuables.

A cet égard et conformément à l’article 64nonies LRCS, les dispositions de l’article 72ter LRCS relatif au caractère non distribuable des gains non réalisés liés à l’évaluation à la juste valeur en régime IFRS – UE s’appliquent également aux entreprises recourant à l’évaluation à la juste valeur en régime LUX GAAP – JV.

En conséquence, les gains non réalisés, nets d’impôts différés, liés à l’évaluation des immeubles de placement à la juste valeur en application de l’article 64sexies LRCS, ne sont pas distribuables.

Lors de l’affectation du résultat de l’exercice29, la part du résultat correspondant aux gains non réalisés, nets d’impôts différés y relatifs, doit faire l’objet d’une affectation en réserves indisponibles. Suite aux modifications introduites par le règlement grand-ducal du 18 décembre 2015, cette affectation doit se faire au sein du poste A.IV.4.b) « Autres réserves non disponibles »30.

Conclusions sur les traitements comptables disponibles en régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV pour la catégorie d’actifs des immeubles de placement

Les développements qui précèdent ont mis en évidence le fait que la catégorie d’actifs dite des « immeubles de placement » constitue un concept comptable directement importé du régime IFRS – UE et qui fait l’objet d’un traitement comptable distinct suivant que le régime LUX GAAP ou le régime LUX GAAP – JV soit retenu, à savoir :

  • en régime LUX GAAP, l’évaluation des immeubles de placement doit se faire suivant le modèle du coût conformément aux dispositions applicables aux terrains et constructions (cf. : art. 55 LRCS, Q&A CNC 16/007) ;
  • en régime LUX GAAP – JV, l’évaluation des immeubles de placement doit se faire par référence à la juste valeur et – à cet effet – il est recommandé de recourir au modèle de la juste valeur appliqué aux immeubles de placement tel que proposé par la norme IAS 40 adoptée par l’Union européenne.

Les modèles du coût et de la juste valeur tels que définis précédemment constituent les deux seuls modèles disponibles pour l’évaluation des immeubles de placement en droit comptable luxembourgeois des entreprises (régimes LUX GAAP, LUX GAAP – JV et IFRS – UE)31.

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale ;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 Loi du 10 décembre 2010 relative à l’introduction des normes comptables internationales, Mém. A – N°225 du 17 décembre 2010 (doc. parl. 5976).

2 Loi du 30 juillet 2013 portant réforme de la Commission des normes comptables et modification de diverses dispositions relatives à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ainsi qu’aux comptes consolidés de certaines formes de sociétés, Mém. A – N°177 du 2 octobre 2013 (doc. parl. 6376).

3 Loi du 18 décembre 2015 modifiant, en vue de la transposition de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil: 1) la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales; 2) le titre II de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises; 3) le titre II du livre ler du Code de commerce, Mém. A – N°258 du 28 décembre 2015 (doc. parl. 6718).

4 Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, JO L 182 du 29.6.2013.

5 Cf.: Q&A CNC 14/001 « Droit comptable luxembourgeois des entreprises: trois régimes distincts » (anciennement Q&A 01/2014)

6 Les terrains et constructions autres que les immeubles de placement ne sont pas visés par l’option juste valeur de l’article 64sexies LRCS dans la mesure où celui-ci ne trouve à s’appliquer qu’aux catégories d’actifs pour lesquelles l’évaluation à la juste valeur est elle-même autorisée par les normes IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne. Or, le référentiel IFRS ne prévoit pas actuellement le recours au modèle d’évaluation à la juste valeur pour les terrains et constructions autres que les immeubles de placement, seuls les modèles du coût et de la réévaluation étant disponibles pour ces actifs (cf. : IAS 16 Immobilisations corporelles).

7 Cf. : Schéma de bilan 2016 suivant le règlement grand-ducal du 18 décembre 2015 déterminant la forme et le contenu des schémas présentation du bilan et du compte de profits et pertes, Annexe I, Mém. A – N°258 du 28 décembre 2015.

8 Q&A CNC 16/007 « Terrains et constructions en régime LUX GAAP : modalités d’application du modèle du coût » (anciennement Q&A 01/2016).

9 Le régime IFRS – UE prévoit la possibilité pour les entreprises d’utiliser le modèle du coût pour l’évaluation des immeubles de placement (IAS 40 para. 56) en renvoyant alors à la norme IAS 16 « Immobilisations corporelles ».

10 L’article 64sexies LRCS dispose que : « Par dérogation à l’article 52, les entreprises ont également la faculté de procéder à l’évaluation de certaines catégories d’actifs autres que les instruments financiers par référence à leur juste valeur, à condition que l’évaluation de celles-ci à la juste valeur soit autorisée en application des normes comptables internationales adoptées conformément au règlement (CE) 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil sur l’application des normes comptables internationales »

11 La norme IAS 40 telle qu’adoptée par l’Union européenne dispose en son paragraphe 30 que « À l’exception des mentions aux paragraphes 32A et 34, une entité doit choisir comme méthode comptable soit le modèle de la juste valeur décrit aux paragraphes 33 à 55, soit le modèle du coût décrit au paragraphe 56, et doit appliquer cette méthode à tous ses immeubles de placement ».

12 Cf.: doc. parl. 6376-1 Avis de la Chambre de commerce, p.3 « Cependant, en ce qui concerne le renvoi exprès au Règlement n°1606/2002 précité au sein de l’article 64sexies, la Chambre de commerce souhaite rappeler que l’article 64sexies trouve son origine dans l’article 42sexies de la directive de modernisation comptable qui connait une notion de juste valeur autonome ».

13 Cf.: doc. parl. 6376-2 Avis de l’Ordre des experts-comptables, p. 10 « En accord avec l’avis de la Chambre de commerce daté du 27 mars 2012, l’OEC doit cependant faire remarquer que l’art. 64sexies repose sur une définition de la juste valeur autonome par rapport aux normes IFRS, visant à promouvoir une approche plus flexible de la juste valeur. L’OEC est d’avis que l’esprit de cette approche, voulu par la directive, doit être conservé et qu’il n’est pas incompatible avec l’exclusion de certains actifs de la valorisation à la juste valeur. (…) Cette solution éviterait de devoir consulter un nombre certains de normes ou d’interprétations de normes IFRS dans le même but, et donc d’importer dans le droit comptable national des éléments d’un référentiel comptable international parfois fort complexe ».

14 Cf.: Circulaire CSSF 08/340 du 21 février 2008 applicable aux établissements de crédit dont la loi modifiée du 17 juin 1992 inclut – depuis la loi du 16 mars 2006 – des options juste valeur de façon analogue à celles introduites en droit comptable commun applicable aux entreprises. Le point I.2.3. de la circulaire CSSF 08/340 (pp.7-8) précise ainsi que « Les établissements de crédit peuvent notamment utiliser les deux « options IAS » suivantes :
1) Evaluation à la juste valeur des instruments financiers (IAS 39)
(…)
2) Evaluation à la juste valeur des immeubles de placement (IAS 40)
Les établissements de crédit peuvent évaluer à la juste valeur par le biais du compte de résultat les immeubles de placement (cf. le chapitre 7bis, nouveaux articles 64 quinquies et 64 sexies) ».

15 Directive 2001/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 modifiant les directives 78/660/CEE, 83/349/CEE et 86/635/CEE en ce qui concerne les règles d’évaluation applicables aux comptes annuels et aux comptes consolidés de certaines formes de sociétés ainsi qu’à ceux des banques et autres établissements financiers

16 Norme comptable internationale 39 Instruments financiers : Comptabilisation et évaluation

17 Directive 2003/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2003 modifiant les directives 78/660/CEE, 83/349/CEE, 86/635/CEE et 91/674/CEE du Conseil sur les comptes annuels et les comptes consolidés de certaines catégories de sociétés, des banques et autres établissements financiers et des entreprises d’assurance, JOUE L178 du 17.7.2003

18 COM(2002) 259/2 final, section 3.1., art. 1er, para. 22, p. 6
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 78/660/CEE, 83/349/CEE et 91/674/CEE du Conseil sur les comptes annuels et les comptes consolidés de certaines catégories de sociétés et des entreprises d’assurance, COM(2002) 259/2 final, 9.7.2002

19 Il convient de relever qu’il n’existe actuellement pas au sein des autres référentiels comptables internationalement reconnus de système comptable reconnu et généralement admis relatif au modèle de la juste valeur appliqué aux immeubles de placement et susceptibles de constituer un modèle alternatif à celui proposé par la norme IAS 40.
A titre illustratif, les normes US GAAP – qui désignent les principes comptables généralement admis des États-Unis d’Amérique et qui sont reconnus équivalents aux normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1569/2007 de la Commission du 21 décembre 2007 établissant un mécanisme de détermination de l’équivalence des normes comptables appliquées par des émetteurs de valeurs mobilières de pays tiers conformément aux directives 2003/71/CE et 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil – ne disposent pas d’une norme dédiée aux immeubles de placement qui ne font pas l’objet d’une définition spécifique ni d’un modèle d’évaluation spécifique à cette catégorie d’actifs.

20 Cf.: doc. parl. 6376-0, commentaires des articles, p.27, point (20):
“(20) Face aux difficultés d’interprétation suscitées par l’article 64sexies qui octroie aux entreprises une option d’évaluation à la juste valeur pour les actifs autres que les instruments financiers sans pour autant préciser de quelles catégories d’actifs il s’agit, il est décidé de spécifier que les actifs autres que les instruments financiers pouvant être évalués par référence à la juste valeur ne peuvent être que ceux pour lesquels les normes comptables IFRS telles qu’adoptées par l’Union européenne prévoient un modèle d’évaluation à la juste valeur tel que cela est le cas – par exemple – pour les immeubles de placement (IAS 40). Cette référence a pour avantages de circonscrire le champ d’application de cette option juste valeur, de fournir une source de référence aux entreprises souhaitant appliquer cette option et de favoriser la convergence des dispositions comptables nationales avec le référentiel IFRS, ce qui correspond à l’esprit de l’article 42sexies de la directive 78/660/CE dont l’article 64sexies de la loi du 19 décembre 2002 constitue la transposition en droit luxembourgeois.”

21 Cf.: Norme IAS 40 para. 33 : “Après la comptabilisation initiale, une entité qui choisit le modèle de la juste valeur doit évaluer tous ses immeubles de placement à leur juste valeur, sauf dans les cas décrits au paragraphe 53.”
Cf.: Norme IAS 40 para. 53 :“Il existe une présomption réfutable selon laquelle une entité est capable d’évaluer la juste valeur d’un immeuble de placement de façon fiable et continue. Cependant, dans des cas exceptionnels, il apparaît clairement, lorsqu’une entité fait l’acquisition d’un immeuble de placement (ou lorsqu’un bien immobilier existant devient un immeuble de placement après un changement d’utilisation), qu’il n’est pas possible d’évaluer la juste valeur de l’immeuble de placement de façon fiable et continue. Cela se produit si, et seulement si, le marché pour des immeubles comparables est inactif (par exemple, il y a peu de transactions récentes, les cours ne sont pas actuels, ou les prix de transaction observés indiquent que le vendeur a été forcé de vendre) et que l’on ne dispose pas d’autres évaluations fiables de la juste valeur (par exemple sur la base de projections actualisées des flux de trésorerie). Si l’entité établit que la juste valeur d’un immeuble de placement en cours de construction ne peut pas être évaluée de manière fiable, mais prévoit qu’elle pourra l’être lorsque la construction sera terminée, l’entité doit évaluer l’immeuble au coût jusqu’à ce que sa juste valeur puisse être évaluée de façon fiable ou jusqu’à ce que la construction soit terminée (selon ce qui se produira en premier). Si l’entité établit que la juste valeur d’un immeuble de placement (autre qu’un immeuble de placement en cours de construction) ne peut pas être évaluée de façon fiable et continue, elle doit évaluer cet immeuble de placement en utilisant le modèle du coût décrit dans IAS 16. La valeur résiduelle de l’immeuble de placement doit être présumée égale à zéro. L’entité doit appliquer IAS 16 jusqu’à la sortie de l’immeuble de placement.”

22 A titre comparatif, le paragraphe 31 de la norme IAS 40 telle qu’adoptée par l’Union européenne dispose que « l’on ne doit changer délibérément de méthode comptable que si le changement permet de produire des états financiers qui fournissent des informations fiables et plus pertinentes sur les effets des transactions, autres événements ou conditions sur la situation financière, la performance financière ou les flux de trésorerie de l’entité. Il est hautement improbable que l’abandon du modèle de la juste valeur pour le modèle du coût permette une présentation plus appropriée ».

23 Règlement grand-ducal du 18 décembre 2015 déterminant la forme et le contenu des schémas de présentation du bilan et du compte de profits et pertes et portant exécution des articles 34, 35, 46 et 47 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, Mém. A – N°258 du 28 décembre 2015.

24 La directive 2013/34/UE définit en son article 2 point 8) les corrections de valeur comme « « les corrections destinées à tenir compte des modifications, définitives ou non, de la valeur des éléments de l’actif constatées à la date de clôture du bilan ». Cette définition couvre tant les corrections de valeur à la baisse que les corrections de valeur à la hausse.

25 Une telle obligation résulte de l’article 65 (1) 11° b) LRCS qui dispose que « en cas d’utilisation de la méthode de l’évaluation à la juste valeur conformément à la section 7bis, les entreprises font figurer, le cas échéant, les passifs d’impôts différés de façon cumulée dans le bilan ».

26 En cas de variation négative de la juste valeur, le passif d’impôt différé fait l’objet d’un ajustement à la baisse qui se traduit par un mouvement créditeur au sein du compte de profits et pertes.

27 Aux termes du paragraphe 5 de la norme IAS 8 telle qu’adoptée par l’Union européenne, « les méthodes comptables sont les principes, bases, conventions, règles et pratiques spécifiques appliqués par une entité lors de l’établissement et de la présentation de ses états financiers ».

28 A cet effet, les entreprises peuvent utilement se référer à la section « Informations à fournir » contenue au sein de la norme IAS 40 “Immeubles de placement” telle qu’adoptée par l’Union européenne.

29 Il est loisible aux entreprises de se référer aux exemples illustratifs contenus au sein du document parlementaire 6376-0 disponible sur le site internet de la Chambre des députés (www.chd.lu).

30 Précédemment à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 18 décembre 2015, les réserves non réalisées résultant d’une évaluation à la juste valeur figurait sous le poste de passif A.III. « Réserves de réévaluation ». Le cas échéant, les entreprises procéderont – au sein de leurs comptes annuels 2016 – à une reclassification des réserves non réalisées résultant d’une évaluation à la juste valeur du poste A.III. « Réserves de réévaluation » au poste A.IV.4.b) « Autres réserves non disponibles ».

31 Cf. : – Q&A CNC 14/001“Droit comptable luxembourgeois des entreprises: trois régimes distincts » (anciennement Q&A 01/2014) ;
– Q&A CNC 14/002 « Réévaluation des immobilisations corporelles » (anciennement Q&A 02/2016) ;
– Q&A CNC 16/007 « Terrains et constructions en régime LUX GAAP : modalités d’application du modèle du coût » (anciennement Q&A 01/2016).