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publiée 01.2019

Compensation comptable des commandes en cours et des acomptes reçus sur commandes


Question

Une entreprise présentant ses comptes annuels suivant les régimes LUX GAAP ou LUX GAAP – JV peut-elle opérer une compensation comptable entre le poste d’actif « commandes en cours » et le poste de passif « acomptes reçus sur commandes » ?

Réponse

Principe général de non-compensation comptable et exceptions

L’article 33 LRCS1 pose le principe général de non-compensation comptable entre des postes d’actif et de passif ou entre des postes de charges et de produits. Ce principe comptable connaît cependant des exceptions qui peuvent résulter de la faculté de compenser en vertu de la loi2.

Exception applicable à la présentation des commandes en cours et des acomptes reçus

En application du principe comptable de non-compensation, les travaux et commandes en cours d’exécution par l’entreprise sont généralement présentés sous la rubrique « D.I. Stocks » au sein de l’actif tandis que les acomptes reçus sur commandes sont généralement présentés sous la rubrique « C. Dettes » au sein des capitaux propres et passif.

Conformément au droit comptable européen, le droit comptable luxembourgeois a prévu une exception sur ce point. Le schéma de bilan de l’article 34 LRCS prévoit en effet explicitement un poste intitulé « C.3. Acomptes reçus sur commandes pour autant qu’ils ne sont pas déduits des stocks de façon distincte »3 dont le libellé est identique à celui prévu par la directive 2013/34/UE4 et à l’ancienne 4ème directive 78/660/CEE5.

Ce libellé explicite conduit à conclure qu’il est possible pour les entreprises (option) de procéder à une compensation comptable du poste de stocks correspondant aux commandes en cours avec le poste de dettes correspondant aux acomptes reçus sur lesdites commandes.

Cette analyse trouve confirmation dans les travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de la loi du 4 mai 1984 (section XIII LSC)6 aujourd’hui abrogée et remplacée par le titre II LRCS, mais dont la substance demeure inchangée sur ce point.

Modalités d’application en cas de recours à la compensation comptable

La compensation comptable visée au point 2 a plusieurs incidences pour l’entreprise choisissant de recourir à cette méthode de présentation. Ainsi, l’entreprise optant pour cette compensation doit notamment :

  • procéder à une évaluation séparée de chaque contrat7 ;
  • provisionner le cas échéant les risques liés à la poursuite de l’exécution des commandes en cours dans la mesure où ces risques ne sont pas couverts par des corrections de valeurs comptabilisées en application de l’article 61 LRCS ;
  • présenter le solde débiteur sous la rubrique « D.I. Stocks » lorsque le montant des travaux et commandes en cours d’exécution excède le montant des acomptes reçus pour un contrat donné ;
  • présenter le solde créditeur sous la rubrique « C. Dettes » lorsque le montant des acomptes reçus excède le montant des travaux et commandes en cours d’exécution pour un contrat donné ;
  • faire mention dans l’annexe des méthodes comptables et modes d’évaluation adoptés pour les commandes en cours et les acomptes reçus8 ;
  • fournir en annexe un détail des montants bruts (non compensés)9.

A noter que si la compensation peut être opérée dans le cadre de la présentation du bilan, ces éléments (commandes en cours et acomptes reçus) doivent néanmoins être présentés séparément au niveau de la balance générale établie conformément au Plan comptable normalisé (PCN) à déposer au Registre de commerce et des sociétés (RCS). L’entreprise devrait ainsi utiliser, par exemple, les comptes 312 « Commandes en cours – Produits » et 431 « Acomptes reçus dont la durée résiduelle est inférieure ou égale à un an » au sein du PCN même si au niveau du bilan les montants renseignés dans ces deux comptes du PCN se regroupaient au sein du même poste « C.3. Acomptes reçus sur commandes pour autant qu’ils ne sont pas déduits des stocks de façon distincte »10.

Incidences pour les utilisateurs externes des comptes

Sans remettre en cause ce qui précède, il est relevé que le recours à la faculté de compenser les commandes en cours avec les acomptes reçus n’est pas neutre pour les utilisateurs externes des comptes en ce qu’elle a pour conséquence de modifier la représentation de la situation financière de l’entreprise.

Dans ce contexte, il importe que le recours à l’option de compensation soit respectueux du droit des associés et des tiers à une information comptable donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l’entreprise. Les organes d’administration ou de gestion des entreprises concernées doivent s’assurer en particulier du respect du principe de permanence des méthodes et engagent leur responsabilité en cas d’utilisation abusive.

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale ;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 Art. 33 LRCS “Toute compensation entre des postes d’actif et de passif, ou entre des postes de charges et de produits, est interdite sans préjudice des cas où un droit de compenser existe en vertu de la loi. Dans les cas où il a été procédé à des compensations entre des postes d’actif et de passif ou entre des postes de charges et de produits, les montants compensés sont indiqués comme des montants bruts dans l’annexe ».

2 Cf. : Document parlementaire 2657-0 (1982-1983), commentaire des articles, art. 211 : « (…) En vertu de ce principe, est interdite la compensation entre dettes et créances. Cette règle de comptabilité ne vise évidemment pas la compensation légale, règle de droit civil. (…) Quelques exceptions subsistent ; la directive elle-même a prévu des cas, en nombre limité, où la compensation est permise, à condition d’ailleurs, qu’elle soit clairement indiquée ».

3 Cf. : Annexe I du Règlement grand-ducal du 18 décembre 2015 déterminant la forme et le contenu des schémas de présentation du bilan et du compte de profits et pertes et portant exécution des articles 34, 35, 46 et 47 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

4 Cf.: Annexe III “Modèle horizontal de bilan prévu à l’article 10” et annexe IV “Modèle vertical de bilan prévu à l’article 10 » de la directive 2013/34/UE.

5 Cf.: Article 9 et article 10 de la 4ème directive 78/660/CEE.

6 Cf. Document parlementaire 2657-0 (1982-1983), commentaire des articles:
– Art. 211 : « (…) Quelques exceptions subsistent ; la directive elle-même a prévu des cas, en nombre limité, où la compensation est permise, à condition d’ailleurs, qu’elle soit clairement indiquée. Ainsi, des acomptes reçus sur commandes apparaissant normalement au passif peuvent être déduits des stocks à l’actif, si la déduction est faite de façon distincte ».
– Art. 213 : « (…) C. Dettes. (…) Ainsi qu’il résulte de son libellé, le poste ‘Acomptes reçus sur commandes’ pourrait aussi être déduit d’une manière visible à l’actif du poste ‘Stocks’ ».

7 En application de l’article 51 (1) e) LRCS, « les éléments des postes de l’actif et du passif doivent être évalués séparément ».

8 L’article 65 (1) 1° LRCS dispose que l’annexe doit comporter des informations sur « les méthodes comptables et les modes d’évaluation ».

9 L’article 33, 2ème phrase LRCS dispose que « [d]ans les cas où il a été procédé à des compensations entre des postes d’actif et de passif ou entre des postes de charges et de produits, les montants compensés sont indiqués comme des montants bruts dans l’annexe ».

10 Dans l’hypothèse où le montant des acomptes reçus excède le montant des travaux et commandes en cours.