Logo CNC
publiée 05.2020

Incidences de la pandémie de Covid-19 sur les comptes annuels et consolidés de l’exercice 2019(*) des entreprises et groupes luxembourgeois


(*) A des fins illustratives, l’exercice clos au 31 décembre 2019 est pris pour exemple au sein du présent Q&A, la majorité des entreprises et groupes luxembourgeois ayant un exercice calqué sur l’année civile. En substance, l’exercice 2019 vise cependant tout exercice dont le délai de dépôt au RCS n’était pas échu lors de la déclaration de l’état de crise le 18 mars 2020, soit en pratique tout exercice clos à compter du 18 août 2019 (cf. : question 1.). Sauf mention expresse contraire (cf. : suivant les questions), ne sont pas visés par le présent Q&A les comptes relatifs à des exercices clôturés à compter du 1er janvier 2020.

Contexte

La pandémie de Covid-19 constitue une crise sanitaire mondiale d’une ampleur exceptionnelle. Afin d’enrayer la propagation de ce virus, des mesures de confinement ont été décidées par les gouvernements et ont conduit à la fermeture temporaire d’entreprises ou à la réduction significative de leur activité.

La crise sanitaire s’accompagne ainsi d’une crise économique et financière mondiale qui affecte directement les entreprises et groupes luxembourgeois soumis à l’obligation d’établissement et de publication de comptes annuels et consolidés.

Au vu des difficultés causées par la crise sanitaire et de l’impossibilité pour la vie économique de suivre son cours habituel, des retards sont potentiellement à prévoir dans l’établissement et le dépôt des comptes annuels et consolidés des exercices clôturés récemment ou clôturant prochainement (cf. : question 1.).

Par ailleurs, les incertitudes relatives aux conséquences économiques et financières de la crise sanitaire sur l’activité et la situation financière des entreprises et des groupes soulèvent de nombreuses problématiques comptables notamment en relation avec les hypothèses de présentation des comptes annuels et consolidés (cf. : questions 2. et 4.), les incidences sur l’évaluation des actifs et des passifs (cf. : question 3.), la nature de l’information à fournir en annexe (cf. : question 5.) ou les perspectives d’évolution à présenter au sein du rapport de gestion (cf. : question 6.).

Dans ce cadre, le présent document a pour objet de fournir un éclairage utile aux entreprises et aux groupes luxembourgeois quant à certaines incidences comptables liées à la pandémie de Covid-19.

Questions

Au sein du présent Q&A, il est proposé de fournir des éléments de réponse aux 6 questions suivantes :

  1. Approbation, dépôt et publication des comptes annuels et des comptes consolidés de l’exercice 2019 : les délais sont-ils prorogés ?
  2. Pandémie de Covid-19 : évènement ayant pris naissance au cours de l’exercice 2019 ou évènement postérieur ne donnant pas lieu à ajustement ?
  3. Evaluation des actifs et des passifs en fin d’exercice 2019 : une prise en compte des conséquences liées à la propagation du Covid-19 ?
  4. Principe de continuité d’exploitation : conséquences en cas de doute important voire de remise en cause définitive lors de l’arrêté des comptes de l’exercice 2019 ?
  5. Evènements postérieurs : obligation et contenu de l’information à fournir en annexe ?
  6. Rapport (consolidé) de gestion : l’information quant à l’évolution des affaires, aux principaux risques et incertitudes ainsi qu’à l’évolution prévisible de la société ou du groupe doit-elle couvrir les conséquences liées à la pandémie de Covid-19 ?

Réponse(s)

N.B. : A l’exception de la question 1. qui concerne les comptes annuels et consolidés quel que soit le référentiel dans lequel ils sont établis, les questions 2. à 5. ne concernent que les comptes annuels et consolidés établis suivant les régimes LUX GAAP et LUX GAAP-JV.

Approbation, dépôt et publication des comptes annuels et des comptes consolidés de l’exercice 2019 : les délais sont-ils prorogés ?

Oui, les délais sont prorogés de 3 mois.

Plus spécifiquement, la loi du 22 mai 2020 portant prorogation des délais de dépôt et de publication des comptes annuels, des comptes consolidés et des rapports y afférents durant l’état de crise1, a prorogé de 3 mois :

  • le délai de soumission à l’assemblée générale des comptes annuels, des comptes consolidés et des rapports y afférents (art. 1500-2, point 2° LSC) ;
  • le délai de dépôt des comptes annuels et du solde des comptes repris au plan comptable normalisé (PCN) auprès du registre de commerce et des sociétés (RCS) (art. 75 LRCS) ;
  • le délai de publication des comptes annuels ainsi que des rapports y afférents2 au Recueil électronique des sociétés et associations (RESA) (art. 79 (1) LRCS) ;
  • la publicité des comptes consolidés et des rapports y afférents3 (art. 1770-1 (1) LSC) ;
  • la publication du rapport (individuel ou consolidé) sur les paiements effectués au profit de gouvernements au RESA (art. 72septies LRCS et art. 1760-4 LSC)4.

Compte tenu de ce qui précède, les comptes annuels ou consolidés de l’exercice clos au 31 décembre 2019 d’une entreprise entrant dans le champ d’application du droit comptable commun5/6, doivent :

  • être soumis à l’approbation de l’assemblée générale au plus tard le 30 septembre 2020 soit 9 mois après la date de clôture en lieu et place du délai habituel de 6 mois parvenant à échéance le 30 juin 2020 ;
  • être déposés au RCS et, le cas échéant, publiés7 au RESA au plus tard le 31 octobre 2020 soit 10 mois après la date de clôture de l’exercice en lieu et place du délai habituel de 7 mois parvenant à échéance le 31 juillet 2020.

A cet égard, il est à noter que l’assemblée générale annuelle des entreprises8 peut être convoquée à une date qui se situe dans une période de 9 mois après la fin de l’exercice9 et ce nonobstant toute disposition contraire des statuts10. En outre, l’assemblée générale peut se tenir sans réunion physique même si les statuts n’ont pas prévu cette possibilité11.

Par ailleurs, sont visés par la prorogation de 3 mois non seulement les comptes annuels et consolidés de l’exercice clos au 31 décembre 2019 mais également les comptes :

  • dont le délai de dépôt et de publication n’était pas échu en date de déclaration de l’état de crise, soit au 18 mars 2020 ;
  • se rapportant à un exercice clôturé à la date de fin de l’état de crise, soit au 24 juin 2020 au plus tard.

En conséquence, les comptes annuels ou consolidés dont la date de clôture est comprise entre le 18 août 2019 et le 24 juin 2020 sont visés par les mesures de prorogation de 3 mois.

A titre illustratif, il est relevé que les délais de dépôt des comptes annuels de l’exercice clos au 31 août 2019 n’étaient pas échus lors de la déclaration de l’état de crise au 18 mars 202012. Dès lors, ces comptes annuels peuvent bénéficier des mesures de prorogation de 3 mois et doivent dès lors faire l’objet d’un dépôt au RCS au plus tard le 30 juin 2020.

De même, les comptes annuels d’un exercice clos au 31 mai 2020 peuvent également bénéficier des mesures de prorogation, la date de clôture intervenant en amont de la date anticipée de fin de l’état de crise prévue au 24 juin 2020. Dès lors, ces comptes doivent être déposés au RCS au plus tard le 31 mars 2021.

Enfin, il convient de relever que la majoration des frais de dépôt des données financières au RCS applicable en cas de dépôt tardif des comptes annuels et consolidés a été adaptée afin de refléter la prorogation de 3 mois des délais de dépôt applicables aux comptes annuels et consolidés relatifs à des exercices clos entre le 18 août 2019 et le 24 juin 2020. Pour les comptes se rapportant auxdits exercices, la majoration des frais de dépôt ne sera mise en compte qu’une fois le délai de 10 mois (7 mois usuels + 3 mois de prorogation) échu. La majoration s’applique ensuite suivant le barème progressif habituel13.

Pandémie de Covid-19 : évènement ayant pris naissance au cours de l’exercice 2019 ou évènement postérieur ne donnant pas lieu à ajustement ?

D’un point de vue comptable et sans préjuger d’une évaluation distincte opérée par l’organe d’administration ou de gestion sur base de la situation spécifique14 de l’entreprise ou du groupe, il semble admis que la pandémie de Covid-19 constitue un évènement postérieur à la clôture au 31 décembre 2019, que celui-ci ne donne pas lieu à ajustement mais que son impact, s’il est significatif, doit faire l’objet d’une mention dans l’annexe des comptes.

Si une épidémie régionale de pneumonie a été constatée à Wuhan en Chine à la fin de l’année 2019 et a été signalée à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) par les autorités chinoises en date du 31 décembre 2019, il existe aujourd’hui un relatif consensus sur le fait que la flambée épidémique liée au Covid-19 n’a acquis une dimension d’ampleur internationale que lors du 1er trimestre 2020 et que cette propagation internationale du virus constitue l’origine de la crise économique que traverse l’économie mondiale, européenne et luxembourgeoise.

A cet égard, il est rappelé que :

  • le nouveau Coronavirus n’a été isolé que le 7 janvier 2020 ;
  • l’OMS a déclaré le 30 janvier 2020 que la flambée de COVID-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale et a émis des recommandations temporaires ;
  • l’OMS a qualifié le 11 mars 202015 de pandémie (soit de propagation mondiale d’une nouvelle maladie) la flambée de Covid-19 conduisant les pays concernés à prendre des mesures sanitaires d’urgence ;
  • au Luxembourg, l’état de crise a été déclaré par règlement grand-ducal le 18 mars 202016 et a été prorogé pour une durée de 3 mois par la loi du 24 mars 202017.

Compte tenu de ce qui précède, la CNC est d’avis que18 :

  • la flambée épidémique de Covid-19 constitue un évènement postérieur à la clôture au 31 décembre 2019, à savoir un évènement défavorable qui s’est produit entre la date de clôture et la date d’arrêté des comptes annuels ou consolidés,
  • la propagation du virus à l’échelle internationale et ses conséquences sur l’économie mondiale, européenne et luxembourgeoise indique une situation nouvelle apparue après la date de clôture au 31 décembre 2019 ;
  • cet évènement postérieur ne constitue pas un évènement devant donner lieu à ajustement des comptes au 31 décembre 2019 (cf. : question 3.) à l’exception des cas où la continuité d’exploitation de l’entreprise ou du groupe est définitivement compromise (cf. : question 4.) ;
  • s’il est significatif, l’impact de cet évènement doit faire l’objet d’une mention dans l’annexe des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2019 (cf. : question 5.) ainsi que, le cas échéant19, au sein du rapport (consolidé) de gestion (cf. : question 6.).

Evaluation des actifs et des passifs en fin d’exercice 2019 : une prise en compte des conséquences liées à la pandémie de Covid-19 ?

Non, l’évaluation des actifs et des passifs en fin d’exercice 2019 ne doit refléter que les évènements et conditions ayant pris naissance au cours de l’exercice clôturé. Or, la propagation mondiale du Covid-19 étant un évènement ayant pris naissance postérieurement à la clôture au 31 décembre 2019 (cf. : question 2.), les conséquences de celle-ci ne doivent généralement20 pas être reflétées dans l’évaluation des actifs et passifs à ladite date de clôture.

La CNC relève qu’en application du principe de prudence énoncé tant par la directive comptable 2013/34/UE (art. 6 para. 1er point c) ii)) qu’en régime LUX GAAP et LUX GAAP-JV (art. 51 (1) c) bb) LRCS), « il doit être tenu compte de tous les passifs qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même si ces passifs ne sont connus qu’entre la date de clôture du bilan et la date à laquelle il est établi ».

Compte tenu de ce qui précède, la CNC est d’avis que dès lors que la propagation mondiale du Covid-19 est considérée comme un évènement postérieur à la clôture au 31 décembre 2019 indiquant une situation nouvelle ayant pris naissance postérieurement à ladite clôture, il ne peut être exigé – sauf cas spécifique ou exceptionnel21 – que les conséquences économiques liées à la pandémie soient reflétées dans l’évaluation des actifs et des passifs de l’entreprise ou du groupe au 31 décembre 2019.

A titre illustratif et non limitatif, la CNC considère par conséquent que les entreprises et les groupes dont l’exercice s’est terminé le 31 décembre 2019 n’ont pas l’obligation de reconsidérer l’évaluation des actifs et passifs22 suivants :

  • la dépréciation des immobilisations incorporelles (y inclus le goodwill), des immobilisations corporelles et des immobilisations financières ;
  • la dépréciation des actifs circulants dont les stocks, les créances et les valeurs mobilières,
  • les provisions (p.ex. : coûts liés à la sous-activité) ;
  • les actifs et passifs évalués à la juste valeur.

Si les conséquences liées à la pandémie de Covid-19 ne doivent pas être reflétées dans l’évaluation des actifs et des passifs au 31 décembre 2019 – sauf cas de remise en cause définitive du principe de continuité d’exploitation (cf. : question 4.) ou d’évaluation distincte opérée par l’organe d’administration ou de gestion (cf. : question 2.) – une information quant à l’impact de cet évènement doit cependant être fournie dans l’annexe des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2019 lorsque celui-ci est à la fois défavorable et significatif (cf. : question 5.) ainsi que, le cas échéant23, au sein du rapport (consolidé) de gestion (cf. : question 6.).

Principe de continuité d’exploitation : conséquences en cas de doute important voire de remise en cause définitive lors de l’arrêté des comptes de l’exercice 2019 ?

En cas de doute important – apprécié lors de l’arrêté des comptes24 – sur la capacité de l’entreprise ou du groupe à poursuivre son exploitation, il relève de la responsabilité de l’organe d’administration ou de gestion de déterminer si l’hypothèse de continuité d’exploitation peut être maintenue et de considérer – dans l’affirmative – l’opportunité de faire mention en annexe des jugements importants lui permettant de conclure en ce sens. Dans les situations où la continuité d’exploitation apparaît définitivement compromise lors de l’arrêté des comptes, l’hypothèse de continuité d’exploitation ne peut pas être maintenue et les comptes doivent alors être établis suivant une convention comptable plus appropriée, par exemple sur une base liquidative.

La CNC rappelle qu’en application de l’article 51 (1) LRCS « [p]our l’évaluation des postes figurant dans les comptes annuels (…) a) l’entreprise est présumée continuer ses activités ». Les travaux préparatoires indiquent à cet égard qu’« [e]n vertu de ce principe, les comptes annuels d’une société sont ceux d’une entreprise en activité qui continue son exploitation dans un avenir prévisible. L’évaluation des éléments du patrimoine et leur amortissement d’après leur durée d’utilisation reposent sur ce principe. Les comptes annuels ne sont donc pas ceux d’une entreprise en liquidation »25.

Considérant l’ampleur exceptionnelle de la pandémie de Covid-19 et de son impact sur l’économie mondiale, il relève de la responsabilité de l’organe d’administration ou de gestion de l’entreprise ou du groupe de déterminer lors de l’arrêté des comptes annuels et consolidés au 31 décembre 2019, si :

  • il n’existe pas d’incertitudes significatives sur la capacité de l’entreprise ou du groupe à poursuivre son exploitation : dans ce cas, l’hypothèse de continuité d’exploitation peut être maintenue mais – en cas de doute important – la CNC recommande vivement aux entreprises et aux groupes de faire mention en annexe des jugements importants permettant de justifier le maintien de ladite hypothèse de continuité ;
  • la continuité d’exploitation est définitivement compromise de telle sorte que l’organe d’administration ou de gestion a l’intention ou n’a pas d’autre solution réaliste que de liquider ou de cesser l’activité de l’entreprise ou du groupe : dans ce cas, l’hypothèse de continuité d’exploitation ne peut pas être maintenue et il convient d’établir les comptes de l’entreprise ou du groupe au 31 décembre 2019 suivant une convention comptable plus appropriée, par exemple sur une base liquidative.

Evènements postérieurs : obligation et contenu de l’information à fournir en annexe ?

Il convient de distinguer d’une part la situation des moyennes et grandes entreprises ainsi que des groupes et, d’autre part, celle des petites entreprises.

Le cas des moyennes et des grandes entreprises ainsi que des groupes : une obligation d’information en annexe ?

Oui, pour la très grande majorité des moyennes et grandes entreprises ainsi que des groupes, la pandémie de Covid-19 est un évènement postérieur significatif qui requiert la mention d’une information en annexe.

La CNC rappelle que l’article 65 (1) 18° LRCS exige que l’annexe des comptes annuels comporte une information quant à « [l]a nature et l’impact financier des évènements significatifs postérieurs à la date de clôture qui ne sont pas pris en compte dans le compte de profits et pertes ou dans le bilan ». L’article 1712-19 point 19° LSC prévoit également une obligation de mention desdits évènements postérieurs dans l’annexe des comptes consolidés des groupes.

Dans ce cadre et considérant que la propagation mondiale du Covid-19 constitue :

  • un évènement postérieur à la clôture au 31 décembre 2019 (cf. : question 2.) ne donnant pas lieu à ajustement sauf remise en cause définitive du principe de continuité d’exploitation (cf. : question 4.) ;
  • un évènement susceptible d’avoir un impact significatif pour une majorité d’entreprises et de groupes du fait de la paralysie partielle voire totale de certains pans de l’économie liée notamment aux mesures de confinement ;

    la CNC est d’avis que les moyennes et grandes entreprises ainsi que les groupes établissant des comptes annuels ou consolidés suivant les régimes LUX GAAP ou LUX GAAP – JV ont l’obligation d’inclure en annexe une information quant à la nature et à l’impact financier (lorsque celui-ci peut faire l’objet d’une estimation fiable) dudit évènement postérieur.

A cet égard, il est relevé que les régimes LUX GAAP et LUX GAAP – JV ne fournissent pas de précisions quant à la nature, à la portée et à l’étendue de l’information à fournir en annexe. Dans ce contexte, il apparaît possible voire opportun de se référer au régime IFRS-UE et plus spécifiquement à la norme IAS 10 « Événements postérieurs à la date de clôture » (cf. : IAS 10 para. 21 et 22).

A titre illustratif, des informations qualitatives et quantitatives peuvent être fournies concernant :

  • les activités opérationnelles : impact sur les ventes et les flux de trésorerie d’exploitation, interruption de la production, rupture des chaînes d’approvisionnement, indisponibilité du personnel, pertes sur contrats, etc.
  • les activités de financement : rupture de « covenants » bancaires et conséquences (p.ex. : exigibilité immédiate), aides temporaires de l’Etat (avances, garanties), soutien financier du groupe, renégociation de l’échéancier des dettes, difficultés à lever des fonds, suspension du paiement des dividendes, etc.
  • les activités d’investissement ou de désinvestissement : retard dans les plans de développement, fermetures définitives d’établissements, d’usines ou de points de ventes, plans de restructurations, etc.
  • la valeur des actifs et des passifs : la dépréciation des immobilisations incorporelles (y inclus le goodwill), corporelles et financières, la dépréciation des actifs circulants (stocks, créances clients, valeurs mobilières), l’impact sur les actifs et passifs évalués à la juste valeur, etc.

Considérant que les comptes annuels et consolidés de l’exercice 2019 seront vraisemblablement déposés et publiés plus tardivement que d’ordinaire du fait des circonstances exceptionnelles et des mesures de prorogation prévues par la loi, il importe que l’information fournie en annexe quant à la nature et à l’impact des évènements postérieurs soit pertinente26 afin de permettre aux utilisateurs une juste compréhension de l’évolution des activités entre la date de clôture de l’exercice au 31 décembre 2019 et la date d’arrêté des comptes qui – dans certains cas – n’interviendra que 8 à 9 mois plus tard.

Le cas des petites entreprises : prééminence de l’exigence d’image fidèle (art. 26 LRCS) ou de la dispense légale (art. 66 LRCS) ?

Au vu du caractère exceptionnel et de l’impact potentiellement significatif de la pandémie de Covid-19 sur les activités des petites entreprises et sur leur capacité à poursuivre leur exploitation, la CNC recommande vivement à celles-ci d’inclure dans l’annexe de leurs comptes annuels une note relative aux évènements significatifs postérieurs à la clôture de l’exercice.

La situation des petites entreprises se distingue de celles des moyennes et grandes entreprises ainsi que des groupes en ce sens que des mesures de simplification ont été prévues par le législateur afin de réduire la charge administrative pesant sur celles-ci. L’article 66 LRCS a ainsi notamment pour objet de dispenser les petites entreprises au sens de l’article 35 LRCS de l’obligation de faire mention en annexe de l’information prévue à l’article 65 (1) 18° LRCS relative aux évènements postérieurs significatifs.

La CNC relève cependant que les mesures de simplification prévues pour les petites entreprises ne dispensent pas pour autant celles-ci de l’exigence générale d’image fidèle prévue à l’article 26 (3) LRCS27 et de ses deux corollaires :

(i) l’obligation de fournir des informations complémentaires lorsque l’application des dispositions de la législation comptable ne suffit pas pour donner l’image fidèle (art. 26 (4) LRCS)28 ;

(ii) l’obligation de déroger aux dispositions de la législation comptable lorsque, dans des cas exceptionnels, l’application de celles-ci se révèle contraire à l’objectif d’image fidèle (art. 26 (5) LRCS)29.

Considérant ce qui précède et au vu du caractère exceptionnel et de l’impact potentiellement significatif de la pandémie de Covid-19 sur les activités des petites entreprises et sur leur capacité à poursuivre leur exploitation, la CNC recommande vivement à celles-ci d’inclure dans l’annexe de leurs comptes annuels une note relative aux évènements significatifs postérieurs à la clôture de l’exercice et à l’impact de ceux-ci sur l’entreprise, faisant ainsi primer l’exigence supérieure d’image fidèle (« true and fair view override ») sur le principe de dispense légale aux fins de simplification administrative.

Sans préjuger de ce qui précède, la CNC rappelle qu’il relève de la responsabilité collective des membres des organes d’administration, de gestion et de surveillance d’une entreprise – quelle que soit sa taille – de veiller à ce que les comptes soient établis conformément aux exigences de la loi (art. 69ter LRCS30). Dans ce contexte, il importe que les organes puissent déterminer leur position à la lumière tant de la dispense de l’article 66 LRCS que de l’exigence d’image fidèle des articles 26 (3), (4) et (5) LRCS.

Rapport (consolidé) de gestion : l’information quant à l’évolution des affaires, aux principaux risques et incertitudes ainsi qu’à l’évolution prévisible de la société ou du groupe doit-elle couvrir les conséquences liées à la pandémie de Covid-19 ?

Oui, le rapport (consolidé) de gestion fournit un cadre privilégié permettant à l’organe d’administration ou de gestion d’informer ses actionnaires, associés et autres parties intéressées quant aux conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’évolution des affaires, de la situation financière et des résultats ainsi que sur les principaux risques et incertitudes auxquels l’entreprise ou le groupe sont confrontés et sur l’évolution prévisible de ceux-ci.

Aux termes de l’article 68 LRCS, « le rapport de gestion (…) doit au moins contenir un exposé fidèle sur l’évolution des affaires, les résultats et la situation de la société ainsi qu’une description des principaux risques et incertitudes auxquelles elle est confrontée. Cet exposé consiste en une analyse équilibrée et exhaustive (…) en rapport avec le volume et la complexité de ces affaires ». En outre, « [l]e rapport doit également comporter des indications sur : (…) b) l’évolution prévisible de la société ». Des dispositions analogues sont applicables aux groupes dans le cadre de l’établissement du rapport consolidé de gestion prévu à l’article 1720-1 LSC.

Compte tenu de ce qui précède, la CNC est d’avis que le rapport (consolidé) de gestion fournira généralement un cadre privilégié et complémentaire par rapport à l’information présentée dans les comptes annuels et consolidés, permettant à l’organe d’administration ou de gestion d’informer ses actionnaires, associés et autres parties intéressées quant aux conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’évolution des affaires, de la situation financière et des résultats ainsi que sur les principaux risques et incertitudes auxquels l’entreprise ou le groupe sont confrontés et sur l’évolution prévisible de ceux-ci.

Sans remettre en cause ce qui précède, la CNC relève que les petites entreprises visées à l’article 35 de même que les formes sociales non visées par la directive comptable 2013/34/UE (p.ex. : sociétés coopératives) ne sont pas tenues par la loi d’établir un rapport de gestion. A cet égard, la CNC rappelle qu’il est loisible à toute entreprise le souhaitant d’établir un rapport de gestion et de le rendre accessible au public par le biais qu’elle juge le plus approprié. A défaut, une information adéquate en annexe des comptes annuels déposés apparaît d’autant plus opportune (cf. : question 5.2.).

Avertissement

Les « questions / réponses » publiées par la Commission des normes comptables (CNC) :

  • sont de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne physique ou morale ;
  • visent à contribuer au développement d’une doctrine comptable en application de l’article 73, point b) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ;
  • ne représentent que l’avis du GIE CNC sur un certain nombre de questions à caractère doctrinal et interprétatif.

Les organes d’administration ou de gestion des entreprises demeurent responsables conformément au droit commun de toute décision prise sur base du présent document.


1 Loi du 22 mai 2020 portant prorogation des délais de dépôt et de publication des comptes annuels, des comptes consolidés et des rapports y afférents durant l’état de crise, Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A, N° 467 du 29 mai 2020, doc. parl. 7541.

2 Les rapports afférents aux comptes annuels désignent ici :
– le rapport de gestion ;
– la déclaration sur le gouvernement d’entreprises ;
– la déclaration non financière ;
– le rapport du contrôleur légal des comptes en relation avec l’audit des comptes annuels.

3 Les rapports afférents aux comptes consolidés désignent ici :
– le rapport consolidé de gestion ;
– la déclaration non financière consolidée ;
– le rapport du contrôleur légal des comptes en relation avec l’audit des comptes consolidés.

4 Cette publication du rapport sur les paiements effectués au profit de gouvernement doit habituellement intervenir dans les 12 mois de l’exercice auquel le rapport fait référence.

5 Le droit comptable commun désigne pour :
– les comptes annuels : le titre II de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises (LRCS) ;
– les comptes consolidés : le titre XVII de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (LSC).

6 Pour les entreprises du secteur financier visées par un droit comptable sectoriel (p.ex. : établissements de crédit visés par la loi comptable bancaire du 17 juin 1992, entreprises d’assurances et de réassurances visées par la loi comptable assurance du 8 décembre 1994), des mesures de prorogation ont également été introduites par la loi suivante :
– Loi du 12 mai 2020 portant prorogation de certains délais prévus dans les lois sectorielles du secteur financier durant l’état de crise, Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A, N° 386 du 12 mai 2020, doc. parl. 7540.

7 Pour les entreprises concernées par la publicité comptable telles que visées à l’article 77 LRCS.

8 Entreprises au sens de l’article 8 du Code de commerce dont les sociétés commerciales, les groupements européens d’intérêt économique (GEIE) et les groupement d’intérêt économique (GIE) y compris celles relevant du secteur financier réglementé (p.ex. : établissements de crédit, entreprises d’assurances et de réassurances).

9 Conformément l’article 3 de la loi précitée du 22 mai 2020 portant prorogation des délais de dépôt et de publication des comptes annuels, des comptes consolidés et des rapports y afférents durant l’état de crise :
« Art.3. L’assemblée générale annuelle des entreprises visées à l’article 8 du Code de commerce peut être convoquée à une date qui se situe dans une période de neuf mois après la fin de son exercice »

10 Suivant les travaux préparatoires relatifs au projet de loi 7541 (doc. parl. 7541/04), l’article 3 précité vise à assurer une cohérence avec le règlement grand ducal du 20 mars 2020 portant introduction de mesures concernant la tenue de réunions dans les sociétés et dans les autres personnes morales, en prorogeant la date de tenue de l’assemblée générale annuelle au-delà de 6 mois et du 30 juin 2020 tel qu’initialement prévu et ce, nonobstant toute disposition contraire des statuts. En effet, l’article 1er para. 3 dudit règlement précise que « nonobstant toute disposition contraire des statuts, toute société est autorisée à convoquer son assemblée générale annuelle pour la plus éloignée des dates suivantes : (i) une date qui se situe dans une période de six mois après la fin de son année sociale ou (ii) une date qui se situe dans une période allant jusqu’au 30 juin 2020 ».

11 Conformément à l’article 1er paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 20 mars 2020 portant introduction de mesures concernant la tenue de réunions dans les sociétés et dans les autres personnes morales. A noter que l’article 1er paragraphe 1er du projet de loi 7566 portant prorogation des mesures concernant la tenue des réunions dans les sociétés et dans les autres personnes morales, vise à prolonger l’application desdites mesures après la fin de l’état de crise, le règlement grand-ducal du 20 mars 2020 cessant de produire ses effets au plus tard le 24 juin 2020.

12 Le délai de 7 mois prévu à l’article 75 LRCS parvenant en principe à échéance le 31 mars 2020, soit après la date de déclaration de l’état de crise.

13 Soit des frais de dépôt portés, pour les comptes relatifs à des exercices clos entre le 18 août 2019 et le 24 juin 2020, à un montant de :
– € 50 lorsque le dépôt est effectué durant le 11ème mois (8 + 3 mois) suivant la date de clôture de l’exercice social ;
– € 200 lorsque le dépôt est effectué entre le 12ème mois (9 + 3 mois) et le 14ème mois (11 + 3 mois) suivant la date de clôture de l’exercice social ;
– € 500 lorsque le dépôt est effectué à partir du 15ème mois (12 + 3 mois) suivant la date de clôture de l’exercice social.

14 Une entreprise ou un groupe luxembourgeois ayant des activités ou une chaîne d’approvisionnement en Chine déjà affectées au 31 décembre 2019 par l’épidémie alors régionale du nouveau virus non encore identifié, pourrait considérer – en raison des circonstances spécifiques à sa situation – qu’il s’agit d’un évènement donnant lieu à ajustement au sein des comptes de l’exercice 2019.

15 Allocution liminaire du Directeur général de l’OMS lors du point presse sur le COVID-19 – 11 mars 2020 (https://www.who.int/fr/dg/speeches/detail/who-directorgeneral-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19—11-march-2020)

16 Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Journal Officiel du GrandDuché de Luxembourg, Mémorial A, N° 165 du 18 mars 2020.

17 Loi du 24 mars 2020 portant prorogation de l’état de crise déclaré par le règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A, N° 178 du 24 mars 2020.

18 Une évaluation des circonstances propres à l’entreprise et de leurs effets sur les comptes annuels ou consolidés doit être réalisée au préalable par la direction sous le contrôle de l’organe responsable de l’établissement des comptes.

19 Pour les entreprises autres que les petites entreprises se prévalant de la dispense et dont la forme sociale est visée par l’obligation d’établissement d’un rapport de gestion (cf. : question 6.).

20 A l’exception des situations où :
– la continuité d’exploitation est définitivement compromise lors de l’arrêté des comptes (cf. : question 4.) ;
– l’organe d’administration ou de gestion considère que l’épidémie alors régionale du nouveau virus constitue – au vu de la situation spécifique de l’entreprise ou du groupe – un évènement postérieur donnant lieu à ajustement car contribuant à confirmer une situation qui existait déjà à la fin de l’exercice (cf. : question 2.).

21 Cf. : supra 20.

22 Sauf aux fins d’explication en annexe dans l’hypothèse où la pandémie de Covid-19, en tant qu’évènement postérieur ne donnant pas lieu à ajustement, a un impact significatif sur ces éléments d’actif et de passif.

23 Cf. : supra 19.

24 Considérant les mesures de prorogation de 3 mois relatives aux délais d’approbation et de dépôt des comptes, l’arrêté des comptes annuels ou consolidés de l’exercice clos au 31 décembre 2019 de certaines entreprises ou groupes interviendra bien souvent 8 à 9 mois après la clôture de telle sorte qu’une information plus précise sera alors disponible quant à l’impact quantitatif de la pandémie du Covid-19 sur l’activité et notamment sur la capacité à poursuivre ou non l’exploitation dans un avenir raisonnable.

25 Projet de loi n°2657 portant adaptation de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales à la directive 78/660 du Conseil des Communautés Européennes du 25 juillet 1978, session ordinaire 1982-1983, commentaires des articles, article 235, p.42.

26 Dans ce contexte, il importe de fournir en annexe une information reflétant les circonstances spécifiques propres à l’entreprise ou au groupe au jour et à la date d’arrêté des comptes et d’éviter ainsi de fournir une information passe-partout (« boiler-plate disclosure ») sur la pandémie et la crise dans le monde dont la valeur informationnelle pour les utilisateurs serait très faible.

27 Art. 26(3) LRCS: « Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l’entreprise ».

28 Art. 26(4) LRCS : « Lorsque l’application des dispositions ci-après prévues ne suffit pas pour donner l’image fidèle visée au paragraphe (3), des informations complémentaires doivent être fournies ».

29 Art. 26(5) LRCS : « Si, dans des cas exceptionnels, l’application d’une disposition du présent chapitre se révèle contraire à l’obligation prévue au paragraphe (3) ci-dessus, il y a lieu de déroger à celle-ci afin qu’une image fidèle au sens du paragraphe (3) soit donnée ».

30 Art. 69ter LRCS: « Les membres des organes d’administration, de gestion et de surveillance d’une entreprise, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont conférées en vertu de la loi, ont l’obligation collective de veiller à ce que les comptes annuels, le rapport de gestion et, lorsqu’elle fait l’objet d’une publication séparée, la déclaration sur le gouvernement d’entreprise, ainsi que le rapport visé à l’article 68bis, paragraphe (5) soient établis et publiés conformément aux exigences de la présente loi et, le cas échéant, aux normes comptables internationales adoptées conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 ».